Entretien : HAMSA ADAMOU ANAROUWA « Au Niger, le sport est mal vu pour les filles, surtout les sports de combat »

Hamsa Adamou Anarouwa. Photo DR/

Hamsa Adamou Anarouwa est une battante. Cette ancienne championne de taekwondo a lutté pour se faire accepter en tant que sportive au Niger. Après de nombreux titres nationaux et une carrière bien remplie jusqu’en 2010, elle s’implique aujourd’hui bénévolement pour la cause féminine et l’accès au sport. En 2012, la Franco-Nigérienne crée l’association « TKD un sport pour tous » en France, où elle vit depuis 2003. Puis en 2018, elle fonde l’ONG du même nom, dans son pays natal. Entretien. PROPOS RECUEILLIS PAR KÉVIN CARRIERE. Extrait du Women Sports Africa N°4.

WOMEN SPORTS : COMMENT AVEZ-VOUS COMMENCÉ LE TAEKWONDO ?

ADAMOU ANAROUWA : A mon époque, l’accession au sport en tant que fille était difficile. J’ai eu de la chance que mes parents n’écoutent pas les gens et m’autorisent à faire du sport. Mon père était un adepte du taekwondo, il m’a envoyé dans le club d’un de ses amis et j’ai de suite adhéré. Le Taekwon- do est devenu ma passion, je le pratique encore 3 à 4 fois par semaine.

POUR QUELLES RAISONS AVEZ- VOUS FONDÉ L’ASSOCIATION « TKD UN SPORT POUR TOUS » ?

J’ai obtenu une bourse d’un an pour préparer les Jeux Olympiques de 2004. J’ai pu enrichir mes compétences et mes techniques en France à l’INSEP. Et puis après ma carrière sportive, je me suis dit « Que faire de cette expérience accumulée ? ». Comme je suis une personne qui se soucie plus des autres que de moi, j’ai décidé de mettre tout ce que j’avais appris au profit des autres. Je pense que plus on aide les gens mieux on se porte. J’ai donc créé l’association TKD un Sport pour Tous en France en 2012 et l’ONG au Niger en 2018.

QUELLES SONT LES DIFFÉRENCES ENTRE VOS ACTIONS AU NIGER ET EN FRANCE ?

Déjà ce ne sont pas du tout les mêmes équipes. En France, nous sommes 4 et nous nous occupons uniquement de l’aspect sportif. Nous sommes bénévoles au club d’Argenteuil où nous donnons plusieurs cours par semaine à la section féminine que nous avons créé. Au Niger, nous sommes 15 et nous gérons 50 jeunes filles et garçons de 6 à 25 ans. Contrairement à nos actions en France ici on suit le sportif de A à Z. On s’occupe notamment de l’accompagnement scolaire : on réinsère les jeunes à l’école en participant aux frais de scolarité et nous les encadrons dans leur travail à la maison. Sur le plan sportif, nous offrons également un kit et des vêtements pour que les enfants puissent pratiquer le Taekwondo.

QUEL MESSAGE FAITES-VOUS PASSER AUX PERSONNES QUE VOUS RENCONTREZ ?

Quand on organise des compétitions je rappelle aux femmes de ne pas hésiter à s’affirmer en tant que sportive, la preuve c’est que moi je l’ai fait et je suis là, je suis une battante, une survivante. Le sport en général pour une fille est mal vu et surtout les sports de combat car la société nigérienne est très patriarcale: le sport, c’est le privilège de l’homme. Les mentalités sont en train de changer mais il y a encore du travail à faire à ce niveau.

COMMENT JUGEZ-VOUS LES DÉBUTS DE VOTRE ASSOCIATION ?

Je suis très fière d’avoir autant de filles que de garçons encadrés au Niger. Mais aussi d’avoir fait reconnaître le taekwondo et le sport féminin. Preuve en est l’État nigérien nous a prêté un terrain de 15 000 m2 pour construire un complexe socio-culturel. Nous avons la reconnaissance de l’État et à chacun de nos tournois nous avons le soutien du ministère du sport et de la culture mais aussi de la fédération nigérienne de taekwondo. Cet engagement des instances, c’est le signe qu’on est sur la bonne voie.

VOUS ORGANISEZ UN TOURNOI DE TAEKWONDO AU NIGER POUR LES JEUNES, C’EST UNE RÉUSSITE POUR LE MOMENT ?

La première année on était dans une « compétition de quartier ». Il y avait environ 200 jeunes et puis pour chaque nouveau tournoi nous avons accueilli plus de clubs du Niger, puis tous ceux du Niger, puis ceux des pays voisins… pour arriver à quasiment 600 jeunes à notre quatrième tournoi en 2019. Nous sommes même obligés de limiter les participants par club (un pour les garçons, deux pour les filles) pour ne pas qu’il y ait trop de monde. Notre tournoi a lieu tous les deux ans mais nous avons beaucoup de demandes pour que nous le programmions tous les ans car nous sommes les seuls à récompenser les jeunes.

QUELS SONT LES PROCHAINS OBJECTIFS DE L’ASSOCIATION ?

Déjà nous avons l’organisation de la cinquième édition de notre tournoi de Taekwondo qui aura lieu du 26 au 28 août 2022 à Niamey. Puis à court terme, nous voulons construire un local pour mieux accueillir nos jeunes sportifs et qu’ils puissent pratiquer dans de meilleures conditions. Nous avons le terrain, il ne nous manque plus que le financement. Et à long terme, nous souhaitons créer un complexe socio-culturel sur un terrain de 15 000 m2 que l’état nigérien nous a octroyé. Ce qui permettrait à la jeunesse nigérienne d’avoir accès à une formation de qualité sans quitter le pays.


PALMARÈS DE HAMSA ADAMOU ANAROUWA

› Ceinture Noire 3ème DAN de taekwondo

› 5 fois championne du Niger de 1998 à 2002

› 2 fois championne d’Afrique de l’Ouest 1999 et 2002

› Participation aux Championnats du Monde 2003 et 2005

› Médaillée de Bronze à la Coupe du Monde Francophone 2003 et 2007

› Médaillée de bronze au tournoi de qualification olympique 2004

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