Entretien avec Seyni Ndir Seck : « Quand on veut une révolution, il ne faut pas venir directement et faire le combat. Il faut être diplomate et y aller doucement »

Extrait du WOMEN SPORTS AFRICA N.7.

WOMEN SPORTS AFRICA : VOTRE ASSOCIATION LADIES’ TURN EXISTE DEPUIS 2009. EN QUOI AVEZ- VOUS CONSTATÉ QUE SON TRAVAIL PORTAIT SES FRUITS ?

SEYNI NDIR SECK : On l’a créé en 2009 avec le tournoi, vu l’engouement qu’il y avait, ça a donné un autre sens au football, et les autorités du football ont organisé le championnat. Depuis, on a un championnat régulier. Pour moi, cela est bien. On a continué à organiser des tournois selon les moyens qu’on avait. À chaque fois, on augmentait les régions parce qu’au début on avait juste fait Dakar et St Louis, et avec les années on a pu vraiment toucher tout le Sénégal avec nos actions de leadership ou des tournois. Avec Plan International depuis 2018, nous avons travaillé avec 34 collèges et établissements dans la zone rurale de Thiès (à 70 km de Dakar). Ça m’a beaucoup marquée parce qu’au sein de ces établissements, on a une fille internationale qui jouaient en U17 l’année dernière et en U20 cette année. C’est vraiment quelque chose de merveilleux. Parallèlement à ça, il y a d’autres filles de ces collèges-là qui ont participé au tournoi scolaire de la zone.

COMMENT SITUEZ-VOUS LE FOOTBALL FÉMININ SÉNÉGALAIS AUJOURD’HUI ?

En 2022, on s’est qualifiés pour la deuxième fois de notre histoire pour la CAN au Maroc. On est allés jusqu’en 1⁄4 de finale. Pour moi, c’est énorme, ça a permis à tous les Sénégalais de connaître le foot- ball féminin, et il y en a beaucoup qui ne connaissaient pas. Même les sceptiques ont regardé, et la bataille de la communication a été gagnée dans la mesure où le tournoi a été retransmis par la télévision nationale du Sénégal avec des consultantes qui sont des anciennes joueuses. Elles étaient sur tous les plateaux, et faisaient des débats. Tout cela a vraiment aidé à booster et à convaincre le peuple sénégalais que le football féminin peut se hisser encore plus haut.

VOUS ÊTES LA SEULE FEMME SUR LES 33 MEMBRES DU COMITÉ EXÉCUTIF DE LA FÉDÉRATION SÉNÉGALAISE DE FOOTBALL. COMMENT FAIRE EN SORTE D’AVOIR PLUS DE FEMMES AU SEIN DE CE COMITÉ ?

Le football féminin fait partie intégrante de la fédération sénégalaise. Dans les années à venir, cela va forcément évoluer. Je ne peux pas en parler maintenant parce que ce n’est pas encore verbalisé. Les acteurs du football ne sont pas encore au courant des décisions qui sont prises là-bas. Il y a même un poste de vice-présidente qui est prévu pour les femmes. Je pense que tout ça ce sont des évolutions. Quand on veut une révolution, il ne faut pas venir directement et faire le combat. Il faut être très diplomate, y aller doucement et voir comment mettre en place cela pour convaincre les membres du comité exécutif pour qu’on augmente le nombre de femmes.

COMMENT CONVAINCRE LES FEMMES DE S’ENGAGER DANS DES POSTES À RESPONSABILITÉ ?

Déjà, il faut le vouloir. Moi, personne ne m’a convaincue. Avant même que j’arrête, j’ai commencé à faire des formations. Je n’étais pas dans les instances, j’ai continué le travail avec mon association, avec toujours dans un coin de ma tête l’idée d’aider la fédération à développer le football féminin, parce que j’avais le vécu, l’expérience et les compétences qu’il fallait. Tout sportif de haut niveau doit tracer sa voie. Il y a un proverbe wolof qui dit : « Ce qui t’appartient, il faut le prendre. »

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