Aziza Oubaita, à coeur ouvert

Aziza Oubaita, ancienne boxeuse professionnelle a subi une transplantation cardiaque en 2016. Deux ans plus tard,elle remontait sur le ring avec son nouveau coeur pour un jubilé historique. Récit.

« Le seul moyen de me réapproprier ma vie était de remonter sur un ring », Aziza Oubaita. © Nadia Poorjabar.

Avec 70 combats au compteur, elle en a donné et reçu des crochets du droit ! Pourtant, c’est loin des rings que l’ancienne boxeuse pro Aziza Oubaita a mené le véritable combat de sa vie. Atteinte d’une myocardite aggravée, elle a subi une transplantation cardiaque en 2016. Deux ans plus tard, elle renfilait ses gants pour un jubilé historique. Récit.

Par Floriane Cantoro – PHOTOS : © Nadia Poorjabar
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.10 d’octobre-novembre-décembre 2018

Aziza Oubaita, à coeur ouvert. WOMEN SPORTS N.10.

Nous avons rencontré Aziza Oubaita sur le Salon International du Sport au Féminin (SISAF) en juin dernier, à Paris. La championne intervenait sur l’une des conférences de l’événement intitulée «Sport comme vecteur de reconstruction».

Il y a des dates qui nous marquent à vie. Et ce n’est pas Aziza Oubaita qui va nous dire le contraire. Cette ancienne boxeuse professionnelle se souviendra certainement toujours des 21 mai 2015, 17 juillet 2016 et 30 mars 2018. Ces jours où, dans un sens comme dans l’autre, sa vie a basculé. Pourtant, il y a quatre ans, cette native de Casablanca, arrivée en France à l’âge de 6 ans, vivait une retraite sportive paisible. Retirée des rings depuis 2011, elle avait repris son métier de styliste, une passion «aussi dévorante que la boxe». Jusqu’à ce que la vie n’en décide autrement…

Un «truc» nouveau dans la poitrine

Tout a commencé le 21 mai 2015. «Ce jour où j’ai failli y rester…», se souvient Aziza. Cette nuit-là, elle se réveille à 3h du matin, affolée par un coeur battant à plus de 250 pulsations par minute. Sa tension est à 5 et ses poumons remplis d’eau. En hypothermie totale, elle est transportée d’urgence à l’hôpital. Après une batterie d’examens, on lui décèle une myocardite aggravée (maladie du muscle cardiaque), conséquence d’une bronchite mal soignée. «C’est le début de ma descente aux enfers», raconte l’ancienne championne, aujourd’hui âgée de 46 ans. Elle souffre probablement depuis plusieurs mois. Mais ses entraînements de boxe, un sport qu’elle commence sur le tard en souvenir du feuilleton de son adolescence «Les Brigades du Tigre», lui ont forgé un coeur de sportive, trop musclé pour détecter les signes avant-coureurs de la maladie. En dépit des semaines de traitement, son état de santé s’aggrave et la greffe devient inévitable.

Elle a lieu le 17 juillet 2016, une date désormais tatouée à l’encre près de son nouveau coeur. L’inscription «Only one life», avec un coeur rouge, est également visible sur son biceps droit. «C’est ma renaissance», explique la championne de boxe, spécialiste de la française avant de se tourner vers l’anglaise. Mais avant de revivre, il a fallu se battre. Contre la maladie, mais aussi contre soi-même. «Les patients transplantés deviennent des dépressifs chroniques. J’avais «Madame Déprime» qui était collée à moi en permanence et elle pouvait me happer à n’importe quel moment». Sportive depuis l’enfance, elle se retrouve à prendre des dizaines de pilules par jour et doit vivre avec ce «corps déglingué», «un organe en moins» et «un truc nouveau dans la poitrine». Un «truc» qui a d’ailleurs du mal à trouver sa place puisqu’elle est ré-opérée quelques semaines après sa transplantation cardiaque pour la pose d’un pacemaker. «Je me disais : «mais c’est quoi cette vie de merde ?!». Je ne me reconnaissais pas !»

« Sans la boxe, j’aurais sûrement jeté l’éponge ! »

Marcher est devenu difficile. Mais il en faut plus pour empêcher la championne de France, d’Europe et du monde de savates boxe française de faire les 100 pas dans les couloirs de l’hôpital, sa «deuxième maison». Son caractère de battante inspire plus d’un patient du service des transplantations. Un tempérament qu’elle attribue à son passé de sportive de haut-niveau : «On nous fait des examens médicaux qui sont très lourds. Mentalement, c’est pas facile… Heureusement que j’ai connu des entraînements durs pour préparer mes combats du temps où j’étais boxeuse. C’est grâce à ça que j’ai pu endurer la douleur. Sinon, je pense que j’aurais jeté l’éponge», admet celle dont les aptitudes au combat ont été repérées par Fathi Mira, aujourd’hui cadre technique d’État et entraîneur national à la Fédération française de savates boxe française, alors qu’elle avait 25 ans.

Lors de son jubilé, Aziza Oubaita n’avait qu’un seul adversaire en tête : la maladie. © Nadia Poorjabar.

Le bilan annuel post-greffe établi (et positif), l’idée de boxer à nouveau se met à trotter dans sa tête. «Je me suis dit que le seul moyen de me réapproprier ma vie, c’était de remonter sur un ring !», explique-t-elle. Elle se fixe comme objectif un jubilé et présente son projet aux médecins qui l’accompagnent. D’abord réticents, ils finissent par donner leur accord, excepté le Professeur de la clinique, sur la réserve, jugeant l’aventure trop risquée pour une transplantée cardiaque. Malgré son opposition, Aziza reprend le chemin des entraînements en octobre 2017, entourée d’une armée de proches.

Aziza Oubaita boxe son «hymne à la vie»

«J’ai dû repartir de zéro pour préparer ce combat. Il a fallu que je reprenne les bases parce que je n’avais plus du tout de souffle et d’endurance. J’avais 10 kg en moins. J’ai dû travailler en circuit training pour retrouver de la densité musculaire», se rappelle celle qui compte à son actif 14 combats et deux Championnats du monde en boxe anglaise.

Le jour J arrive finalement le 30 mars 2018. Dans le Palais des Sports Marcel-Cerdan de Levallois, Aziza Oubaita monte sur le ring vêtue d’une de ses propres créations, de couleur noire et argent, un écusson en forme de coeur sur la poitrine. Première greffée cardiaque à reprendre un sport de combat, elle est une «fierté» pour les médecins qui l’ont suivie. «Au fur et à mesure de ma préparation, ils devenaient dingues, se souvient-elle. Il y avait des différences évidentes entre mon cas et celui des autres patients, notamment au niveau des analyses sanguines. C’est une victoire pour eux aussi que je combatte. Ils ont compris que le sport pouvait accélérer la convalescence.»

Face à elle, Anne-Sophie Da Costa. Mais dans sa tête, un seul adversaire : la maladie. En combattant une dernière fois, elle veut tourner la page, chanter son «hymne à la vie», en quelque sorte. Une manière de fermer le livre et de revenir apaisée à ses premiers amours : la boxe, qu’elle pratique toujours en loisir, et la mode. Après avoir habillé les plus grands noms français de son sport, de Mahyar Monshipour à Brahim Asloum, en passant par Jean-Marc Mormeck et Souleymane Mbaye, Aziza Oubaita commercialise depuis septembre 2018 une collection 100% made in France sur le site www.fashion-boxing.com. Une gamme qu’elle a confectionnée… avec tout son coeur.


Women Sports s’engage pour le coeur des femmes

Le saviez-vous ? Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité chez les femmes. Pour lutter contre ce fléau, un remède bien connu : le sport ! C’est pourquoi Women Sports, média militant pour les femmes et le sport, engage un grand mouvement pour «Le Coeur des Femmes». L’objectif est double : sensibiliser aux bienfaits de la pratique sportive et en faciliter l’accès au plus grand nombre de femmes. Au cours des prochains mois, Women Sports va mobiliser les acteurs de ce dossier, la puissance médiatique, ses fédérations partenaires, les territoires et les médias, afin de participer activement et concrètement à cet acte social majeur. Rejoignez le mouvement ! #LeCoeurDesFemmes / lecoeurdesfemmes@womensports.fr.


 

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