Mustapha Berraf : « En Afrique, les femmes et le sport donnent un véritable sens à la vie et au développement »

Rencontre exclusive avec Mustapha Berraf, président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (ACNOA) et membre du Comité International Olympique (CIO), qui a fait de la promotion des femmes au sein de ses instances une priorité. PROPOS RECUEILLIS PAR DAVID TOMASZEK ET BRUNO LALANDE. Extrait du Women Sports Africa N.7.

WOMEN SPORTS AFRICA : QUELLES SONT VOS AMBITIONS POUR LE SPORT OLYMPIQUE EN AFRIQUE ?

MUSTAPHA BERRAF : Le centre névralgique de nos actions est la promotion de l’athlète africain. L’athlète africain est le cœur de nos ambitions. Voilà pourquoi notre plan d’action stratégique 2020-2024 a pour objectif de valoriser nos compétiteurs et de favoriser l’éclosion de jeunes talents dans le but d’assurer la relève. La principale préoccupation de ce plan c’est l’Athlète. Nous avons pour cela un soutien incommensurable de la Solidarité Olympique du Comité International Olympique. Je remercie vivement mon frère le Dr Thomas BACH pour son implication constante et l’appui multiforme qu’il apporte au mouvement olympique et sportif africain. L’existence d’une commission des Athlètes au sein de l’ACNOA, Les bourses olympiques, la lutte contre le dopage, l’organisation d’un forum des athlètes africains ou encore l’émergence des Centres Olympafrica à travers le plan stratégique d’Olympafrica qui va de 2021 à 2025, la construction des sièges des Comités Nationaux Olympiques sont autant d’actions qui favorisent l’épanouissement de l’athlète africain. Notre objectif, dans ce sens, est de mettre en relief les rôles et les responsabilités des Comités d’Athlètes afin de donner au sport africain un avenir radieux. Ces deux prochaines années nous envisageons de renforcer notre participation au développement de l’Afrique, cela passe forcément par la pratique du sport de haut niveau. Nous encourageons les Etats à s’impliquer encore plus car c’est ensemble que nous sommes plus forts et plus efficaces. Nous voyons bien les mutations en cours en Afrique dans le domaine du sport. Nous irons encore plus loin dans la construction des infrastructures, l’organisation des grandes compétitions, la participation aux évènements sportifs mondiaux et dans la récolte des lauriers par nos valeureux athlètes. Nous nous donnons les moyens à l’ACNOA pour que ce souhait devienne une réalité.

WSA : QUELS SONT LES ÉVÉNEMENTS QUI ONT MARQUÉ ET MARQUERONT L’ANNÉE 2023 ?

MB : Le Forum des Athlètes Africains que nous avons organisé du 11 au 12 Mars 2023 à Alger est le premier évènement qui a attiré toutes les attentions et marqué les esprits. Les 54 Comités Nationaux Olympiques Africains ont permis la présence des Athlètes qui ont débattu des grandes questions qui concernent les sportifs du continent. Leur carrière, leur formation, le financement de leur encadrement dans le but d’améliorer leurs performances mais aussi de leur assurer une retraite paisible après de longues années de pratique du sport de haut niveau.

Une rencontre de très grande facture qui a également permit d’élire les représentants des Athlètes de l’Association des Comités Nationaux Olympiques d’Afrique, l’ACNOA et la généralisation des commissions des Athlètes dans tous les CNO d’Afrique par zone. Un agenda qui se greffe au plan stratégique 2020-2024 de l’ACNOA.

« LE CENTRE NÉVRALGIQUE DE NOS ACTIONS EST LA PROMOTION DE L’ATHLÈTE AFRICAIN. »

Les deuxièmes Jeux Africains de Plage qui se disputent à Hammamet en Tunisie du 23 au 30 juin 2023 vont être historiques.

Plus de 1 000 Athlètes représentant 53 Pays africains vont participer dans 15 spécialités sportives. Le 22 juin, veille du début de la compétition, l’ACNOA va tenir la 21ème session ordinaire de son Assemblée Générale. Les travaux en question vont nous permettre de jauger le niveau de préparation des Jeux Olympiques de Paris 2024. Le Forum des genres prévu au Cap Vert, cette même année, constitue un palier important à franchir à nouveau dans la prise en compte de l’aspect genre au sein du mouvement olympique et sportif africain. L’approche genre fait partie intégrante de notre stratégie. L’égalité des genres dans le sport ne se discute plus.

WSA : COMMENT L’ACNOA PRÉPARE- T-ELLE LES ATHLÈTES AFRICAINS AUX JO 2024 ?

MB : Les Comités Nationaux Olympiques Africains travaillent en étroite collaboration avec les Fédérations Internationales. L’ACNOA a mis sur pied un projet sportif de haut niveau structuré avec des objectifs de résultats à travers des moyens matériels et humains conséquents. Les bourses olympiques attribuées aux athlètes par le truchement des CNO ont pour vocation de renforcer la qualité de la préparation sportive. Nous sommes convaincus que l’Afrique à Paris 2024 fera briller sa flamme olympique. Nous y allons pour réussir de grandes performances. Le programme de soutien de l’ACNOA aux athlètes est une réponse efficace aux sollicitations de la jeunesse sportive du continent.

Nous demandons aux CNO de jouer pleinement leur rôle dans cette stratégie. La Solidarité Olympique du CIO est à nos côtés et nous lui en sommes reconnaissants.

WSA : QUEL EST DE VOTRE EXPERTISE, L’ÉTAT DE LA PRATIQUE SPORTIVE DES FEMMES EN AFRIQUE ?

MB : En Afrique, les femmes et le sport donnent un véritable sens à la vie et au développement. Je rends hommage à toutes les femmes qui exercent des responsabilités à quelque niveau que ce soit et j’encourage toutes celles qui se projettent pour apporter leur contribution dans tous les projets sportifs africains. De nombreuses femmes d’exception ont mis le sport africain au firmament. Elles sont de véritables inspirations pour les jeunes filles qui inspirent à développer de grandes carrières dans le sport de haut niveau. La commission pour l’égalité des genres de l’ACNOA coordonnée par la Vice-Présidente Matlohang Moiloa-Ramoqopo, qui en est la Présidente, travaille d’arrache-pied pour que le sport pratiqué par les femmes du continent profite d’un encadrement certain. Nous demandons aux différents gouvernements africains de s’engager sans fioritures dans le soutien des femmes à la pratique du sport. Quelles soient athlètes, entraîneures, officielles ou administratrices, les femmes démontrent toute leur prestance dans leur engagement vis-à-vis de la promotion du sport et des valeurs olympiques.

WSA : Y A-T-IL DES DISPARITÉS RÉGIONALES EN LA MATIÈRE À L’ÉCHELLE DU CONTINENT ?

MB : Nous sommes bien conscients que le ni- veau d’engagement des pays diffère en fonction d’un ensemble de réalités, mais, tous les pays Africains, même les plus conservateurs cèdent devant la nécessité de voir les femmes pratiquer du sport. Aujourd’hui nous avons des athlètes féminines qui viennent des 54 nations que compte l’Afrique. Le côté inclusif du sport défie désormais toutes les barrières aussi hostiles soient elles.

WSA : LES PRINCIPAUX FREINS À LA PRATIQUE SPORTIVE DES FEMMES SONT-ILS CULTURELS OU INFRASTRUCTURELS ?

MB : Ces deux aspects que vous citez sont à prendre en compte. Toutefois, de nombreuses barrières sont levées au fur et à mesure que nous agissons en collaboration avec les différents pays. La progression sur le plan culturel est telle que tous les pays organisent des compétitions sportives locales où les jeunes femmes peuvent exprimer leur talent. C’est une volonté permanente, à laquelle nous imposons un suivi rigoureux. Des nombreuses avancées sont enregistrées. Les infrastructures sportives construites sur le sol africain se multiplient au fil des années et sont sans discrimination ouvertes à la femme.

Le travail de sensibilisation des masses et des politiques sur l’égalité des genres se fait dans la solidarité et avec le soutien du Comité International Olympique qui impulse un programme très ambitieux de modernité et d’égalité des genres.

Les femmes jouent un rôle incroyable au sein de nos sociétés. Nos Athlètes femmes sont très attendues dans les prochaines compétitions à l’instar des Jeux Olympiques de Paris 2024 que nous préparons avec minutie mais surtout cette année 2023 au cours des Jeux Africains de Plage de Hammamet en Tunisie.

Elles ont par le passé rayonné en apportant au sport et au mouvement olympique africain toute son honorabilité.

WSA : L’ACCÈS AU SPORT DE HAUT NIVEAU EST-IL DE « MÊME NIVEAU » POUR LES HOMMES ET POUR LES FEMMES SUR LE CONTINENT ?

MB : Il n’y a aucune comparaison à établir à ce niveau. Toutes les instances sportives du continent africain mettent sur le même piédestal la femme et l’homme. La perception du genre à beaucoup évolué et notre management du sport intègre ces enjeux, qui de mon point de vue, ne sont plus un poids pour l’entrée des femmes dans le sport de haut niveau. Les femmes sont soumises aux mêmes règlements et procédures qui sont issues de l’universalité de la charte mondiale du sport.

Les femmes et les hommes bénéficient de la même protection de leurs droits et devoirs dans le sport en Afrique et dans le monde. Au niveau du rendement nos athlètes femmes en Afrique nous donnent pleine satisfaction et nous en sommes fiers et honorés.

WSA : EXISTE-T-IL DES COMPÉTITIONS ‘WOMEN ONLY’ ORGANISÉES PAR LE MOUVEMENT OLYMPIQUE EN AFRIQUE ? QUEL EST LE REGARD DE L’ACNOA SUR CE TYPE DE MANIFESTATIONS ?

MB : Ce sont des concepts pour lesquels nous avons du respect au vu de la puissance idéologique qui s’y dégage, mais nous pensons qu’il est mieux de susciter une saine émulation genre au sein du mouvement olympique et sportif africain. Nous militons pour une véritable égalité des genres et non pour des organisations qui pourraient encourager la division dans les esprits. Le sport en Afrique est un et indivisible. Nous sommes fidèles aux valeurs olympiques de solidarité, d’amour, de partage et de fairplay qui nous interpellent dans le refus des discriminations.

WSA : COMBIEN DE CNO AFRICAINS SONT PRÉSIDÉS PAR DES FEMMES ?

MB : Quatre femmes sont Présidentes des CNO au Burundi, à Djibouti, au Rwanda et en Gambie. Plusieurs autres femmes sont à des postes de responsabilités prestigieux au sein des CNO et au niveau de l’ACNOA, elles sont vice-Présidentes pour certaines et Présidentes de commissions pour d’autres. Nous saluons l’excellent et merveilleux travail que ces femmes réalisent chaque jour pour le succès du sport en Afrique. Leurs efforts et leurs contributions participent à construire cet idéal inclusif que nous façonnons ensemble.

WSA : QUEL EST LA PROPORTION DE FEMMES DANS LES INSTANCES DIRIGEANTES DES CNO ?

MB : Cette proportion pour le moment est de 30 %. Dans notre plan stratégique 2020-2024, nous nous sommes engagés à promouvoir l’accès des femmes à des postes dirigeants. Une circulaire de l’ACNOA mobilise tous les CNO à respecter le quota minimum de 30 %. De plus en plus de femmes sont à la manœuvre au niveau de la gouvernance sportive. La di- versification est une réalité. Les femmes sont valorisées.

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