Rwanda, le sport pour oublier le génocide

Le Rwanda a su surmonter le drame de 94 pour devenir l’un des pays les plus viables du continent africain ; et le sport n'est pas étranger à cette réussite.

Le mouvement sportif rwandais a rapidement pris de l’ampleur ces dernières années, poussé par Kigali, la capitale ambitieuse qui souhaite devenir « le noyau du sport en Afrique ». (Photo by City of Kigali)

Tel un phénix qui renaît de ses cendres, le Rwanda a su surmonter le drame de 1994 pour devenir l’un des pays les plus viables du continent africain. Économiquement, mais aussi socialement. Et il se trouve que le sport n’est pas étranger à cette belle réussite. Explications. 

Par Azza Besbes et Floriane Cantoro
Extrait du magazine WOMEN SPORTS N.16 d’avril-mai-juin 2020

Il y a vingt-six ans, le Rwanda vivait l’une des plus grosses tragédies humaines du XXe siècle : le génocide des « Tutsi » par la communauté « Hutu ». À la fin de la guerre civile, en juillet 1994, le pays déplorait environ un million de morts. Sa population, décimée, était marquée par des années de violences et de dissensions. Aujourd’hui pourtant, le Rwanda affiche un tout autre visage : celui d’un état stable et prospère. Il est souvent pris en exemple par ses voisins africains pour sa modernité et sa bonne santé économique (8% de croissance annuelle en moyenne au cours des deux dernières décennies). 

Le sport pour panser les blessures 

Valens Munyabagisha, président du CNOSR, a répondu à nos questions sur le mouvement sportif rwandais. (DR/.)

Comment le pays s’est-il remis du drame de 94 ? Économiquement, le Rwanda a bénéficié d’aides extérieures (Banque mondiale, Fonds monétaire international) et investi dans les bons secteurs (infrastructures, agriculture, éducation, etc). Socialement, « le sport a joué un rôle très important dans la cohésion du pays », explique Valens Munyabagisha, le président du Comité national olympique et sportif rwandais (CNOSR). Il cite le Comité international olympique (CIO) – « bâtir un monde pacifiste et meilleur par le sport » – et précise à cet effet que « les premières compétitions ont commencé dans le pays en novembre 1994, soit quelques mois seulement après la fin du génocide. » Le mouvement sportif rwandais a donc rapidement pris de l’ampleur, poussé par Kigali, la capitale ambitieuse qui souhaite devenir « le noyau du sport en Afrique ». 

Les évolutions de ces vingt-cinq dernières années sont visibles aussi bien en matière de haut niveau que d’infrastructures et de sport-santé. 

Boom du sport de haut-niveau 

Dans ce domaine, le pays a multiplié l’organisation d’événements sportifs d’envergure. Le Rwanda a notamment accueilli, en 2016, le Championnat d’Afrique des nations de football (CHAN), une compétition disputée tous les deux ans entre les seize meilleures équipes du continent ; et il devrait prochainement recevoir les phases finales de la toute nouvelle Basketball Africa League. Les progrès en matière de haut niveau se mesurent également dans les bons résultats des sportifs rwandais. À ce titre, les coureurs cyclistes sont particulièrement prolifiques avec cinq victoires sur le Tour du Rwanda (de 2014 à 2018). L’an dernier, cette course est passée de la catégorie 2.2 à 2.1, soit une classe d’épreuve supérieure. Le beach-volley féminin a également le vent en poupe avec une participation des joueuses nationales au dernier Championnat du monde en 2019. 

Le beach-volley féminin rwandais participe à la visibilité du pays en matière de sport de haut niveau. (Photo by @RwandaOlympic)

De nouvelles infrastructures 

Le pays s’est doté de cinq terrains de football de niveau standard (dont deux à Kigali) et en a remis à neuf un certain nombre déjà existants. La capitale vient également de se munir d’un terrain de basketball haut de gamme, le Kigali Arena, et un nouveau complexe multi-sportif devrait bientôt s’élever sur le site du stade Amahoro. 

Kigali Arena. (Photo by Christian Rebero Twahirwa on Unsplash)

Des journées sans voiture ! 

Depuis 2016, le Rwanda a instauré le « car free day » dans les trente districts du pays. Il s’agit d’une journée sans voiture tenue deux fois par mois, le dimanche, afin de donner l’occasion à la population rwandaise de faire du sport. À Kigali, la municipalité investit chaque fois un peu plus dans l’organisation de ces activités physiques de plein air. « C’est aussi l’occasion de fournir des tests et des informations concernant les maladies liées à la sédentarité », précise Valens Munyabagisha. Le président du CNOSR souligne, en parallèle, l’émergence de salles de sport un peu partout dans le pays. Il explique que l’activité physique a également tendance à revenir dans le giron scolaire (avec des journées mensuelles dédiées dans les écoles), et dans le domaine professionnel sous l’égide de l’Association en charge du sport des travailleurs. 

« Visit Rwanda » clament désormais les footballeurs du PSG et d’Arsenal

Pour peaufiner son développement aujourd’hui, le Rwanda mise sur le tourisme, une industrie qui représente 12,7% du PIB et qui génère plus de 132.000 emplois dans le pays. Dans ce secteur, « le tourisme sportif est tout particulièrement favorisé », note Mr. Munyabagisha. Les récents partenariats conclus entre Kigali et les clubs de football d’Arsenal (2018) et du Paris Saint-Germain (2019) illustrent bien cette démarche. Avec l’équipe anglaise, le Rwanda a signé un contrat de trois ans estimé à 35 millions d’euros, impliquant la mention « Visit Rwanda » sur tous les maillots des Gunners (équipes masculine et féminine, tenues d’entraînement et de match). « Avec Arsenal, nous avons enregistré un chiffre d’affaires de plus de 36 millions de livres sterling en l’espace de quinze mois seulement », détaille le chef du sport rwandais. Au PSG, la mention « Visit Rwanda » apparaît sur les panneaux publicitaires du Parc des Princes plusieurs fois par match depuis le début de l’année, sur les maillots d’entraînement et d’échauffement de l’équipe masculine ainsi que sur la manche des maillots de match des féminines. À partir de la saison prochaine, les supporters parisiens pourront également savourer thé et café rwandais à la buvette du Parc, soit deux produits phares de l’économie locale. Le PSG promet en outre que ses joueurs partiront à la découverte du Rwanda, et que le club travaillera avec des jeunes footballeurs du « pays aux mille collines » via des programmes de formation. 

L’office du tourisme du Rwanda est sponsor du PSG et du club anglais d’Arsenal. (Photo by Dave Winter / Icon Sport)

Une belle place pour les femmes dans le sport

Le Rwanda est donc un pays qui bouge et progresse vite. « Kigali est une vraie inspiration pour les autres villes africaines, se félicite Valens Munyabagisha. Plusieurs cités voisines ont d’ailleurs adopté le « car free day » et le pratiquent à leur tour. » Par ailleurs, le pays est également en avance en matière de parité et de mixité, avec des taux records de femmes dans les instances dirigeantes. A la Chambre des députés, par exemple, elles représentent plus de 60% des élus, ce qui fait du Parlement rwandais le parlement le plus féminin au monde. « Dans le sport, nous voyons aussi leur émergence car les trois dernières ministres des Sports et de la Culture en date sont des femmes », rappelle le président du CNOSR. Le bureau exécutif de son instance compte quant à lui trois femmes sur sept membres, dont une qui siège au CIO, Félicité Rwemarika (commission sport et société active). Aussi, il ne manque plus qu’un champion olympique au Rwanda pour parfaire sa panoplie du pays le plus sportif d’Afrique !

Un grand merci à Valens Munyabagisha, président du CNOSR, pour ses éclairages sur les évolutions du mouvement sportif rwandais. 


 

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