JOJ Dakar 2026 – Le premier événement olympique sur sol africain sera paritaire !

Athlétisme. Crédit : Efe/ABACAPRESS.COM//Alberto Estevez/Icon Sport

Depuis 1896, les Jeux Olympiques ont fait le tour du monde. De Londres à Tokyo en passant par Los Angeles et Rio, nombreuses sont les villes qui ont accueilli la plus belle compétition sportive au monde. Cependant, la torche olympique n’a pas encore fait profiter de sa flamme à une partie bien spécifique du globe : l’Afrique. En 2026, les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ) seront organisés à Dakar, au Sénégal. Une première qui marquera l’histoire du sport africain et sera assurément une opportunité exceptionnelle pour le sport au féminin sur le continent. PAR KENAN CHANSON. Extrait du WOMEN SPORTS AFRICA N°6.

Dakar accueillera en 2026 le premier événement olympique de l’histoire en Afrique. Nés du désir de faire briller la Flamme aux quatre coins du globe, les JOJ auront bien plus qu’un simple objectif sportif. L’avènement d’une telle organisation sur le continent envoie un mes- sage clair : le sport, la culture, l’économie et l’éducation sont sur la bonne voie. Ces JOJ réuniront à Dakar plus de 4 300 jeunes athlètes internationaux, avec une participation à parts égales de filles et de garçons autour d’un programme de 35 disciplines sportives. Ces jeux seront un moment d’échanges, de symbiose, mais aussi de découverte de la culture africaine, en particulier sénégalaise.

« Nous avons hâte de revenir ici pour vivre ce premier événement olympique organisé sur le sol africain, un événement pour l’Afrique, avec l’Afrique, qui accueillera la jeunesse du monde au Sénégal », se réjouit Thomas Bach, le président du CIO. Initialement pré- vus en 2022, les Jeux Olympiques de la Jeunesse ont vu, tout comme les JO de Tokyo, leur organisation perturbée par la pandémie de Covid-19. Mais cette fois, c’est confirmé, ils auront lieu en 2026. Dès 2022, afin de tout de même offrir à l’Afrique et au Sénégal une aventure sportive et culturelle, le festival « Dakar en Jeux » a été organisé du 29 octobre au 5 novembre. Huit jours d’initiation sportive, de concerts et de démonstrations

faites par pas moins 1 500 athlètes venus de tout le continent pour faire vibrer la jeunesse de la ville sénégalaise.

« Dakar en Jeux », un festival pour se mettre dans l’ambiance des JOJ

La présidente de la commission de coordination du CIO pour Dakar 2026, Kirsty Coventry, avoue avoir été largement séduite par ces huit jours qui ont permis aux Sénéga- lais et Sénégalaises de montrer à quel point ils aiment le sport : « Le Festival de Dakar en Jeux a été incroyable. Nous avons pu ressen- tir toute la passion et l’énergie que les Sénégalais ont pour la vie en plein air : être sur la plage, se divertir, s’amuser avec les enfants et danser. L’énergie de la population est im- mense. C’est un véritable aperçu de ce que nous allons vivre en 2026. »

DAKAR 2026, LE BOOST TANT ATTENDU POUR LE SPORT FÉMININ AFRICAIN ?

Le sport féminin en Afrique est encore bridé, c’est le moins qu’on puisse dire. Même si les athlètes qui font rayonner l’Afrique sur la scène mondiale sont chaque année plus nombreuses et de plus en plus impliquées dans la lutte contre les inégalités de genre, le sport à clairement du mal à s’initier dans le quotidien des femmes. Légèrement sur la pente ascendante, l’attention que l’on porte sur le sport féminin est encore trop faible. De trop nombreuses disciplines (pourtant populaires) ne sont pas soutenues par des financements qui permettraient de rendre la pratique accessible au plus grand nombre. La venue des Jeux Olympiques de la Jeunesse en Afrique est donc un véritable enjeu.

Une parité filles/garçons impeccable

Il s’agissait bien souvent du triste point que l’on pouvait constater lors des événements olympiques : les femmes ont souvent été sous-représentées dans la plupart des disciplines faisant partie du programme des Jeux. Une tendance qui, grâce à l’énorme travail du CIO et des différentes fédérations internationales, a pris fin à Tokyo 2020.

2026 rimera donc avec « avancée ». Pour la première fois de l’histoire des Jeux Olympiques, la boxe, la gymnastique et la lutte compteront autant de femmes que d’hommes. Une très bonne nouvelle qui aura des conséquences directes sur l’évolution du sport féminin en Afrique puisqu’il s’agit ici d’un grand message d’espoir envoyé à toutes les jeunes femmes du continent. La petite boxeuse camerounaise ou la jeune sprinteuse botswanaise qui rêvent de participer aux JO et de représenter leur pays verront que les choses vont de l’avant et se sentiront légitimes de se demander : « Et pourquoi pas moi?»

Dakar met un point d’honneur à la parité des sexes pour 2026, tout comme Paris le fait pour les prochains Jeux Olympiques qui se dérouleront en 2024. En effet, la capitale française souhaite mettre en avant l’égalité femmes / hommes dans le maximum de disciplines (à l’exemple du cyclisme qui atteindra pour la première fois en 2024 un équilibre parfait avec 88 places pour chaque sexe). Cette volonté des commissions olympiques d’aller de l’avant nous permet donc d’imaginer quels seraient les bienfaits de la venue des Jeux Olympiques en terres africaines.


3 RAISONS “ pour lesquelles un événement olympique en Afrique est bénéfique au sport féminin

La mise en lumière des championnes africaines. Elles sont (très) nombreuses depuis quelques années et elles sont adulées par la jeunesse africaine. Ces athlètes sont des modèles pour les jeunes filles. Voir les pépites du continent performer « à domicile » engendrera à coup sûr un réel engouement pour le sport féminin.

Investir dans le sport féminin pour glaner des médailles

Ne nous voilons pas la face : enAfrique, le sport masculin et notamment le foot sont le centre d’intérêt principal et les principaux bénéficiaires d’investissements publics. La perspective de médailles « made in Africa » dans de multiples sports changera la donne. Un événement olympique « à la2 maison », c’est motivant. Des drapeaux flottants au-dessus des podiums inciteront fortement les différents gouvernements à redynamiser la culture sportive de leur pays. Des Jeux désormais paritaires avec autant d’épreuves masculines que féminines, cela signifie une chose : le sport féminin est une mine d’or pour aller chasser des médailles !

Des infrastructures dernier cri, adaptées aux femmes

On se doute bien que dans le cadre de la préparation pour des JOJ en Afrique, nombreux seront les efforts réalisés concernant les infrastructures. Afin de former au mieux les athlètes de demain, des stades, de l’équipement et bien d’autres facteurs de développement seront mis à disposition des futures pépites africaines. Les infrastructures nouvelles répondront aux normes actuelles et seront donc adaptées à la pratique sportive féminine.


Ibrahima Wade : « Il y a plus de femmes que d’hommes dans la structure d’organisation de ces Jeux Olympiques de la Jeunesse ! »

Women Sports Africa : Vous êtes le coordonnateur du comité d’organisation des Jeux Olympiques de la jeunesse (JOJ) 2026 à Dakar. Que représente pour le Sénégal et pour l’Afrique ce premier grand événement olympique sur le continent ?

Ibrahima Wade : L’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2026, premier événement olympique en terres africaines, est d’abord la consécration d’une universalité des Jeux et de l’Olympisme. C’est vrai que les JO ont une très grande histoire et que l’Afrique y a toujours participé mais elle n’a jamais eu l’occasion de les abriter sur son continent. Pour le Sénégal, pour nous, c’est un motif de fierté que d’avoir à organiser ces premiers Jeux. Mais au-delà de tout ça, c’est aussi une façon pour le Sénégal d’être le porte-étendard de l’Afrique, de porter la voie de l’Afrique dans le concept de l’olympisme mondial. Il s’agira aussi de montrer ce que le Sénégal, grande nation de sport, sait faire. Ce sera un très grand plaisir d’accueillir le monde entier, le mouvement olympique et surtout la jeunesse car l’Afrique est un continent jeune, le Sénégal aussi. On a vraiment hâte de montrer au reste du monde ce qu’on est en capa- cité de faire.

Quels sont les enjeux de cet événement en termes d’héritage pour le Sénégal ?

Les enjeux sont multiples. C’est d’abord, comme je l’ai dit, la jeunesse qui représente une très grande proportion de cet héritage futur. Au Sénégal, plus de la moitié de la population est jeune et donc aujourd’hui, l’un des enjeux majeurs est d’impliquer cette jeunesse et de lui faire vivre au mieux ce grand moment historique. Un autre enjeu sera de réussir le « pari de l’organisation » et d’accueillir comme il se doit tout ce monde olympique. Un troisième enjeu sera de laisser un véritable héritage. Un héritage sur le plan sportif, au plan social, au plan économique, au plan de l’implication de la jeunesse et des retombées pour tous ces jeunes. C’est ce point qui constitue le socle du projet de Dakar 2026 et qui a été décliné dans la vision de ce projet : la jeunesse et le sport pour une contribution à la transformation du Sénégal et une source d’inspiration pour l’Afrique. Nous sommes convaincus que ce premier événement olympique en terres africaines aura des retentissements extraordinaires sur le développement économique et social du pays, aura de fortes retombées sur la prise de conscience de la jeunesse sénégalaise sur la nécessité de constituer le levier de développement de la transformation de leur pays et de leur continent. C’est pour cela que nous travaillons aujourd’hui avec tous les autres pays africains pour avoir une forte implication et une forte présence pendant la préparation et l’organi- sation de ces Jeux de la Jeunesse.

Ces JOJ seront paritaires femmes/hommes. Cette donnée peut-elle favoriser le développement du sport féminin en Afrique ?

C’est tout le message qu’on cherche à faire passer avec le CIO. Aujourd’hui, il faut le reconnaitre : le sport féminin est très présent au Sénégal et en Afrique comparé aux premières éditions des JOJ mais au fur-et-à-mesure, on a constaté une sorte de « décrochage » au niveau de la gent féminine et cela ne favorise pas l’équilibre que nous recherchons. Un équilibre au niveau de la participation des sportifs, un équilibre au niveau de l’encadre- ment sportif et simplement au niveau du management du phénomène sportif. Si on veut relier un bon équilibre Femmes / Hommes à la pratique du sport, il faut auparavant qu’il y ait un équilibre dans l’encadrement, dans l’accompagnement et dans le management du sport. Voilà ce que cherche à apporter Dakar 2026, c’est pour cela que pour nous, la parité est une excellente chose et une grande avancée. Au niveau du comité d’organisation même nous avons installé une parité Femmes / Hommes au sein du personnel. Si je ne me trompe pas, il y a même plus de femmes que d’hommes dans la structure d’organisation de ces Jeux Olympiques de la Jeunesse !

Si vous aviez eu l’opportunité de participer à ces Jeux Olympiques de Dakar étant plus jeune, avec quel état d’esprit les auriez-vous abordés ?

Pour moi ça aurait été un rêve, en tant que jeune Sénégalais, en tant que jeune Africain. Je suis convaincu que c’est avec ce même état d’esprit que la jeunesse sénégalaise et africaine prépare ces JO. Nous le voyons déjà dans le programme d’engagement et de mobilisation de la jeunesse sur lequel nous travaillons. Comme vous le savez nous venons de vivre une semaine incroyable dans le cadre du festival de «Dakar en Jeux !» qui a été organisé du 29 octobre au 5 novembre. J’ai encore en souvenir ces jeunes filles et garçons, ces écoles et ces clubs sportifs qui ont participé à cet événement. Je vois encore le sentiment de joie dans leurs yeux avec toute cette dynamique sportive et culturelle. N’étant pas « jeunes », nous avons vibré de la même manière qu’eux. Je suis tenté de répondre à votre question en disant qu’en 2026 je ne serais pas jeune mais je vivrais le même rêve que ces jeunes, que j’aurais la même passion que ces jeunes.


Cécile Faye : « La parité femmes / hommes sera respectée, au niveau des athlètes mais aussi au niveau du coaching »

Vous êtes secrétaire générale adjointe du Comité national olympique et sportif sénégalais (CNOSS). Comment vous coordonnez- vous avec le comité d’organisation des JOJ et avec le mouvement olympique en général pour préparer ce grand événement ?

Je suis effectivement la secrétaire générale adjointe du Comité Olympique Sénégalais mais je suis en même temps chargée de la planification de la coordination au niveau du Comité d’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse. Je suis aussi directrice de l’Académie nationale olympique qui est un démembrement du comité. Au niveau de ce comité, c’est un travail de « bénévolat », pour le mouvement associatif et qui n’est donc pas à temps plein. Mon poste le plus prenant est au ni- veau du comité d’organisation où, tous les jours, je travaille pour l’organisation et la planification des Jeux Olympiques, en relation avec le CIO.

Vous êtes une dirigeante emblématique du sport africain et à ce titre un modèle pour de nombreuses jeunes filles. Pouvez- vous nous raconter votre parcours ?

Je dirais que mon parcours commence dès le collège. J’aimais beaucoup pratiquer le sport en général. J’avais toujours hâte que les cours d’éducation physique arrivent.

À partir de là, je jouais dans le club de handball de mon établissement en tant que gardienne de but. Dès lors, je me suis inscrite au club de ma ville (Thiès). J’étais parallèle- ment à l’institut des sports car j’étais alors professeur d’éducation physique de formation. J’ai joué dans le club emblématique de ma ville jusqu’au moment où j’ai été affectée en dehors de la capitale. Après ma carrière d’enseignante, je suis revenue au ministère des Sports, où j’ai eu l’occasion de travailler dans la direction des activités sportives en tant que chargée de relation avec les fédérations. C’est à ce moment-là que j’ai participé à la création de la fédération d’escrime, où je suis encore actuellement vice-présidente. Pour intégrer le comité olympique, il faut forcément être représenté par votre fédération et c’est ce qu’il m’est arrivé en 2013 pour le poste de secrétaire générale adjointe que j’occupe toujours.

Dakar 2026 met un point d’honneur à respecter la parité femmes / hommes dans le maximum de disciplines. Selon vous, en quoi cela aidera les jeunes filles africaines à pratiquer le sport ?

Depuis les JOJ de Buenos Aires (en 2018), la parité est vraiment mise en avant par le mouvement olympique. C’est pourquoi 50 % des athlètes qui viendront à Dakar en 2026 seront des filles et 50 % seront des garçons. Même si on sait que cela ne sera pas chose facile, nous favoriserons aus- si vraiment l’égalité femmes / hommes au niveau de l’encadrement. Maintenant pour les jeunes filles africaines, la venue de ces JOJ les aideront à pratiquer le sport. Les fédérations sportives et le CIO sont déjà en train de travailler sur le sujet des formations. Ces formations mettent un accent extrêmement important sur l’intégration des filles dans le domaine sportif avec l’appui de l’AFD et de l’INSEP de Paris, avec qui nous avons conclu une convention sur le plan de la formation des entraîneurs et du développement des athlètes. À long terme, les filles pourront vraiment s’épanouir dans le sport.

Le fait qu’une ville africaine accueillera en 2026 un événement Olympique est historique. A quelle échéance pensez-vous que l’Afrique pourra recevoir les Jeux Olympiques sur son territoire ?

Ça sera difficile mais on va y arriver. On a déjà une candidature africaine pour les Jeux Olympiques de 2036 avec l’Egypte. Je pense que tout dépendra de ce que nous, Dakar 2026, ferons en tant que premier organisateur des Jeux de la Jeunesse et d’un événement olympique sur le sol africain. Comme l’a dit le président du CIO, Thomas Bach, on organise ces JOJ pour le Sénégal, mais aussi pour l’Afrique toute entière car nous avons à prouver au monde que nous sommes dans la capacité d’organiser de tels événements avec brio. Si nous réussissons, je suis sûre que nous allons ouvrir la porte à d’autres pays pour accueillir ces grands Jeux.

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