Minata Soro, devenue championne de cyclisme à 17 ans

« J’ai concouru au milieu des garçons ! », déclare Minata Soro. Comment devient-on championne de cyclisme en Côte d’Ivoire à 17 ans et sans argent ? C’est l’histoire de la jeune et acharnée Minata Soro, fraîchement titulaire d’un baccalauréat, qui a bien voulu nous raconter son récit. Focus également sur Rémy Mayoukou, sans qui ce petit miracle n’aurait pu arriver !
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS AFRICA N°4 de janvier 2022

L’histoire du cyclisme ivoirien par Minata Soro

Elle est entrée dans l’histoire du cy­clisme ivoirien. Minata Soro est surpre­nante. Cette jeune femme de 19 ans a tout pour elle, et plus les années passent, plus elle trace sa route avec tact. Elle est sacrée championne de Côte d’Ivoire en 2020. Puis elle ob­tient aux Championnats d’Afrique de cyclisme sur piste au Caire, en 2021, le premier podium de la Côte d’Ivoire dans un championnat conti­nental avec une médaille de bronze en scratch (qui consiste à faire 40 fois le tour de piste), et la médaille d’argent du keirin, derrière une compétitrice sud-africaine. Le tout avec des études à gérer en paral­lèle. Comment est-ce qu’on arrive au sommet ? Discussion passionnante avec Minata Soro.

Women Sports Africa : comment tout a commencé ?

Minata Soro : J’ai commencé le cy­clisme en 2019. Enfin, en réalité, je suis passionnée de vélo depuis toute petite. J’ai appris à pédaler toute jeune. J’ai grandi à Korhogo (au nord du pays), où j’ignorais l’existence de cette discipline sportive offi­cielle en Côte d’Ivoire.

Ce n’est qu’en 2015, en arrivant à Abidjan pour mes études, que j’en ai appris davantage. Je me suis inscrite dans un club du lycée. Je m’entraînais à l’époque dans la cour de l’établissement, sans sortir, au milieu d’enfants plus jeunes que moi. Puis j’ai commencé à pouvoir m’entraîner sur route avec le club ASCAVEL (Association sportive des clubs des amis du vélo) de Koumassi avec mon coach, Ibra­him Ben Soumahoro.

Mais ce n’est pas toujours évident, pas vrai ?

Je n’ai pas toujours les moyens d’avancer. Il m’arrive de pédaler 100, 200 km sans rien avoir à manger alors qu’en remportant une course, on peut prétendre à gagner 25 € après s’être entraîné des semaines et des semaines, tous les jours. C’est mon coach qui a fait ma pub quelque part et a parlé de moi. L’autre difficulté que j’ai rencontrée est d’ordre matériel. Grâce à l’aide de Rémy Mayoukou, depuis le Decathlon de Lyon en France, j’ai pu obtenir un vélo de route Decathlon, ainsi qu’un maillot de course Decathlon. Ce grâce à l’argent récolté par l’association de Rémy Mayoukou.

Si je continue les entraînements avec mon vieux vélo, le vélo de Decathlon me sert pour les compétitions ! Aujourd’hui encore, je suis à la recherche de sponsors. Je remercie toutes les personnes qui ont pu m’aider, et espère qu’elles seront encore nombreuses à me soutenir pour que je puisse aller loin grâce à elles.

Surtout qu’on sait que pour une cycliste, le matériel est important…

Lors de ma première sortie à l’internatio­nal, en 2019, au Rwanda, j’ai eu une panne mécanique, qui m’a empêché de prendre le départ le jour de la compétition… J’ai pu me rattraper derrière la même année au Burkina Faso. Et dernièrement, j’ai fait le Tour de la Côte d’Ivoire, en septembre der­nier. Nous n’étions que deux femmes, j’ai concouru au milieu des garçons ! J’ai fini certaines étapes mieux que des hommes, c’était pour moi une certaine fierté !

Et justement, qu’est-ce qui te plaît le plus, finalement ?

Le vélo n’est pas une discipline facile mais cela permet de voyager, de connaître de nouvelles personnes et d’aller à la ren­contre d’autres cultures. Et ainsi, in fine, de nous sortir de notre cadre de vie quotidien.

En fin d’année, j’ai participé à un stage de perfectionnement grâce au Pré­sident de la Fédération ivoirienne de cyclisme, durant deux mois, en Afrique du Sud. Je vois les choses en grand, et aimerais un jour me qualifier pour des courses pro comme le Championnat du monde. En parallèle, si je vis toujours chez mes parents, mon objectif est d’aller en Europe, très probablement en France, pour continuer mes études et me lancer dans d’autres courses in­ternationales. WSA discipline facile mais permet de voyager, rencontrer de nouvelles personnes et d’autres cultures.”

Le coup de pouce de Rémy Mayoukou et de Decathlon

L’histoire de Rémy Mayoukou n’est pas commune non plus. Après avoir dû fuir la guerre au Congo, il a traversé les frontières, seul et à vélo. Ce Congolais d’origine, vivant en France aujourd’hui, est technicien atelier et ambassadeur Decathlon. Il a créé une association en 2012, Compassion*, pour venir en aide aux Africains (notamment au Congo et en Côte d’Ivoire). Il s’est tourné vers Decathlon et la Fondation Decathlon, auprès de Nicolas Pierron, Brand Manager Van Rysel, de Philippe Barthollet, leader sport pièces détachées vélos (Btwin), et de Jean-Pierre Haemmerlein, directeur de la fondation Decathlon (Decathlon International).

Grâce aux dons qu’il a récoltés via son association, il a pu remonter un vélo et envoyer les pièces en Côte d’Ivoire depuis la France, « pour que Minata Soro ait le plus beau vélo d’Afrique ! », nous a-t-il déclaré, fier. Et d’ajouter : « C’est une fille pleine de volonté qui mérite ça. Je fais parfois des sacrifices pour acheter du matériel afin d’aider les Ivoiriens. J’ai vécu la misère, j’en ai trop souffert pour laisser des gens dans une telle situation. »

* https://remymayoukounzaba.wixsite.com/ assocompassion

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