À 28 ans, Zineb El Houari a déjà un CV long comme le bras dans le domaine du journalisme sportif : chroniqueuse sur France 24 depuis 2014, « Reporter » pour la FIFA lors de la Coupe du monde de football en Russie en 2018 et « media officer » au service de la Confédération Africaine de Football (CAF) depuis 2019. Rien que ça ! En exclusivité pour Women Sports Africa, la journaliste franco- marocaine revient sur son parcours et ses ambitions professionnelles. Attention, exemple à suivre. Propos recueillis par Floriane Cantoro.
Extrait du magazine WOMEN SPORTS AFRICA N°2 de janvier à juin 2021.
WOMEN SPORTS AFRICA : Pourquoi le journalisme sportif, un hasard ou une vocation ?
Zineb El Houari : J’ai longtemps hésité entre le journalisme sportif et la médecine sportive. Ce qui est sûr, c’est que je voulais travailler dans le domaine du sport car c’est ma passion. J’aime particulièrement le football. Finalement, j’ai choisi le journalisme car c’est ce qui me correspondait le mieux : je suis curieuse, sociable, j’adore écrire et échanger avec les gens. C’est un métier excitant, qui est toujours dans la nouveauté. Je ne regrette pas du tout ce choix même si mes parents étaient un peu réticents au début, surtout mon père, car c’est un milieu précaire. Aujourd’hui, il est fier de me voir réussir dans ce métier qui n’est pas toujours facile, surtout quand on est une femme.
Tu es entrée chez France 24 en 2014, avant même d’être diplômée de l’école supérieure de journalisme de Paris (ESJ). Raconte-nous ton recrutement.
J’ai toujours voulu travailler en télé. J’ai donc commencé par des stages chez beIN Sports et Canal+. Puis un jour, France 24 m’a appelée : la chaîne avait vu sur mes réseaux sociaux que j’avais pour projet de créer un site sportif en langue arabe (qui ne s’est pas concrétisé au final). Elle m’a proposé un stage au sein de sa rédaction. Je n’ai pas accepté tout de suite car je voulais vraiment travailler dans une rédaction 100 % sportive. Puis j’ai compris que je devais profiter de mes atouts – notamment le fait d’être bilingue en langue arabe – et tenter le coup. J’ai donc fait un stage de six mois à l’issue duquel j’ai reçu une proposition d’emploi. Dans un milieu difficile comme le journalisme, je ne pouvais pas me permettre de refuser. Aujourd’hui, je suis épanouie chez France 24. Je fais beaucoup de news généralistes mais dès qu’il y a du sport, c’est pour moi !
En 2018, tu as travaillé comme « reporter » pour la FIFA lors de la Coupe du monde de football en Russie. Un sacré tremplin pour ta carrière !
Oui ! Finalement, le fait de travailler sur une chaîne généraliste m’a ouvert des portes. J’étais – et je suis encore – la seule femme au service arabophone de France 24 spécialisée dans le sport. Grâce à mon réseau développé dans le monde du football, j’ai pu proposer à ma rédaction des entretiens télévisés avec des joueurs et des dirigeants de clubs assez connus. Cela a tout de suite plu et on m’a donné ma chance. C’est sans doute comme cela que la FIFA m’a repérée et m’a fait cette proposition inattendue en 2018. Travailler sur la Coupe du monde en Russie a été une des meilleures expériences de toute ma carrière ! L’année suivante, c’est la Confédération Africaine de Football (CAF) qui m’a recrutée pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en tant que « media officer », une chouette aventure également. Depuis, je collabore avec l’organisation.
Te sens-tu la responsabilité de mettre davantage en avant le sport africain à l’écran ?
Oui, bien sûr. Évidemment, en tant que journaliste, je dois traiter l’information en toute impartialité. Mais je parle beaucoup du sport africain car je considère qu’il a sa place dans les médias. Si on prend le football par exemple, qui est un sport que je connais bien car je l’ai pratiqué, on s’aperçoit que le continent africain est un réservoir de talents. La majorité des stars des championnats européens viennent d’Afrique ou en sont originaires. Le problème pour eux, c’est la formation. L’accompagnement sportif et pédagogique africain n’est pas assez bien structuré pour permettre à ces talents de briller chez eux. Pour preuve, la plupart joue dans la rue. Alors ils partent en Europe. Je pense que c’est mon rôle aussi, en tant que journaliste franco-marocaine, de faire découvrir les richesses sportives de l’Afrique.
« C’est mon rôle aussi, en tant que journaliste franco-marocaine, de faire découvrir les richesses sportives de l’Afrique. »
ZINEB EL HOUARI
Parmi les personnalités sportives que tu as interviewées, quelles sont celles qui t’ont le plus marquée ?
Celle qui me vient tout de suite en tête c’est Fatma Samoura, la Secrétaire générale de la FIFA (ndlr, voir notre grand entretien-événement dans ce magazine). Je l’avais interviewée peu de temps après sa nomination en 2016, à Zurich. France 24 avait beaucoup communiqué sur le sujet à l’époque et l’interview avait été diffusée en français, en anglais et en arabe. C’est une personnalité qui m’a marquée car elle est la première femme nommée à ce poste et elle est africaine en plus ! C’est un vrai exemple de réussite pour moi. Elle milite beaucoup pour la place des femmes dans le football, c’est inspirant. J’ai eu le même sentiment d’admiration quand j’ai interviewé la Marocaine Nawal El Moutawakel (ancienne athlète, ndlr). J’ai aussi adoré échanger avec les footballeurs Samuel Eto’o, Didier Drogba ou encore plus récemment Kylian Mbappé, rencontré lors de la cérémonie du Ballon d’Or en 2019. C’est un garçon intelligent et mature qui prouve que les sportifs ne sont pas tous bêtes comme on l’entend malheureusement trop souvent.
« Avec tes talons, tu veux parler de football ? » (Photo DR/.) « Avec tes talons, tu veux parler de football ? » (Photo DR/.)
Quelle sportive africaine, par son parcours et sa médiatisation, pourrait selon toi incarner un « role model » pour les jeunes filles ?
Je pense à une footballeuse égyptienne Sarah Essam, qui joue actuellement à Stoke City en Angleterre. Elle est un peu perçue comme la Mohamed Salah au féminin car elle est la première joueuse de son pays à s’être imposée à l’étranger. Elle a dû pour cela dépasser les traditions de toute une société, et elle est très médiatisée. Elle a reçu le prix de la Femme Arabe de l’année 2018 dans la catégorie « Réussite dans le Sport » décerné par la London Arabia Organization. C’est le premier nom qui me vient en tête spontanément… Le sport africain féminin, à l’exception de quelques disciplines comme l’athlétisme, n’est pas assez développé et médiatisé. On y travaille depuis quelques années, notamment dans le domaine du football où de gros efforts ont été consentis. Mais ce n’est pas encore le cas dans tous les sports.
On parle de la place des femmes dans le sport mais qu’en est-il de la place des femmes dans les médias sportifs ? Raconte-nous ton vécu de journaliste et chroniqueuse sportive.
Cela n’a pas toujours été facile, c’est sûr. Non seulement je suis une femme mais en plus, j’ai choisi un domaine depuis toujours réservé aux hommes : l’analyse footballistique. Je ne voulais pas être une simple présentatrice, je voulais apporter une expertise. J’ai eu droit à des réflexions du genre : « Avec tes talons, tu veux parler de football ? » Mais cela ne m’a pas découragée, au contraire. Je savais que si je pouvais jouer au foot, je pouvais en parler sur un plateau télé ! Malgré tout, j’ai dû prouver ma valeur deux fois plus que les autres. Sur mes premiers passages à l’antenne par exemple, on surveillait mes propos. Certains confrères voulaient s’assurer que je maîtrisais bien mon sujet. Disons que le ticket d’entrée n’est pas facile à décrocher… Mais une fois qu’on a prouvé sa compétence, on est respecté. Côté terrain en revanche, je n’ai jamais rencontré de problème. Je pense que pour réussir dans ce milieu, il faut être patiente, professionnelle et surtout croire en soi.