Yasma Desreumaux, la femme qui voulait rendre le sport plus accessible en Algérie

Yasma Desreumaux est la leader pays Decathlon en Algérie. C’est elle qui a implanté l’entreprise française de sport et loisirs dans le pays.

Passionnée de sport et attachée à ses racines, Yasma s’est créée son job de rêve : DG de Decathlon en Algérie ! (Photos DR/.)

Sur son profil LinkedIn, Yasma Desreumaux se présente comme la « leader pays » de Decathlon en Algérie (équivalent de directrice générale). C’est elle qui a installé l’entreprise française spécialisée dans les articles de sport et de loisirs dans le plus grand et le plus peuplé pays du Maghreb, en 2017. Depuis, deux magasins ont été ouverts à Alger et Oran, ainsi qu’une unité de production. Et ce n’est que le début du rêve pour Yasma qui a de grands projets pour son pays natal! Des ambitions professionnelles qu’elle prépare depuis longtemps chez Decathlon, mais aussi et surtout une aventure humaine qui lie ses racines et sa passion : l’Algérie et le sport. Par Floriane Cantoro. Photos : Decathlon. 

Extrait du magazine WOMEN SPORTS AFRICA N°2 de janvier à juin 2021. 

L’histoire d’amour entre Yasma Desreumaux et Decathlon a commencé dans le Nord de la France, il y a plus de 20 ans. « J’avais quitté l’Algérie pour venir faire mon 3eme cycle d’études en France. Et puis un jour, en aidant un ami qui travaillait chez Campus, j’ai découvert Decathlon et cette passion du sport à partager et à développer. » Il n’aura pas fallu longtemps à cette mordue d’activités physiques en tout genre (handball, running, tennis de table…) pour postuler dans l’entreprise française. Oubliés son diplôme d’ingénieur et ses huit années d’études supérieures, elle se fait embaucher à la vente dans un magasin de Roncq (59). 

Entrée par la petite porte chez Decathlon 

« J’ai travaillé pendant six ans dans le retail. Je faisais du commerce et j’adorais ça ! » Curieuse et touche-à-tout, Yasma n’hésite pas à proposer ses services pour de nouvelles activités au sein de l’entreprise. C’est ainsi que l’équipe du projet « Easy » de Decathlon la choisit pour travailler sur un programme de formation. « Je suis allée prêcher la bonne parole et former des équipes en Espagne, en Hongrie, au Portugal et aux États-Unis, alors que je n’étais que responsable rayon ! » 

Ces expériences à l’étranger lui « ouvrent encore un peu plus l’appétit (rires) », surtout qu’elle dispose d’un bagage académique suffisamment solide pour espérer gravir les échelons rapidement chez Decathlon. Mais avant de concrétiser ses rêves secrets, Yasma veut connaître tous les rouages de la boîte. Elle en est persuadée, « on ne peut pas être un directeur crédible si on ne connaît pas tous les métiers de son entreprise ». Elle passe donc dix années supplémentaires à travers tous les postes de la production. D’abord en manageant les productions textiles de France, du Portugal, de Lituanie, de Tunisie et de Turquie ; ensuite en ouvrant le premier bureau de production Decathlon d’Égypte. « Étant fortement attachée à mes racines, j’avais d’abord pensé à l’Algérie bien sûr, mais ce n’était pas un pays de production. » 

Un « projet humain » pour mêler culture et passion 

Au final, elle mettra presque trois ans à trouver « la bonne clé d’entrée » dans son pays natal qui, comme elle nous l’explique, « choisit consciencieusement ses partenaires en excluant ceux qui ne viennent faire que du retail, c’est-à-dire pour eux du profit. » Mais Yasma n’a rien lâché. Elle a créé un projet global créateur de valeurs localement : du « gagnant-gagnant ». Et, depuis fin 2017, l’entreprise française de sport et de loisirs est implantée en Algérie. Elle a ouvert son premier magasin à Alger en juin 2019 – « une des meilleures ouvertures de la boîte depuis 2003 ! » – puis un second en septembre dernier à Oran, ainsi qu’une usine de production. La première production Decathlon « made in Algeria » est sortie en fin d’année 2020 (pour être commercialisée dans les magasins du pays), tandis que la première exportation est prévue pour avril 2021. 

Mais Decathlon Algérie, « c’est avant tout un projet humain » pour Yasma. Elle s’est entourée de jeunes Algériens (150 collaborateurs en tout) qui partagent les valeurs de l’entreprise que sont la transmission et l’accompagnement. Elle les a recrutés avec un certain niveau d’études (bac+4 minimum) afin qu’ils puissent évoluer au sein de l’entreprise. « Ils sont super contents d’intégrer Decathlon, une entreprise qui fait confiance, qui donne le droit à l’erreur et offre un programme de formation ambitieux et adapté à chacun », précise-t-elle. En tant que femme manager, Yasma Desreumaux a également tenu à investir des Algériennes dans son projet : aujourd’hui, elle est fière d’avoir atteint la barre des 30% d’employées féminines en magasins et la parité dans les bureaux. Malgré la jeunesse de ses équipes, notre leader franco-algérienne ne se laisse pas attendrir. Avec son management qu’elle qualifie de « féminin », elle sait être gentille et ferme à la fois. « Je ne peux pas nier qu’il y a beaucoup de sentiments dans ma façon de diriger : je suis une maman et une femme avant tout. Mais je n’oublie pas pourquoi je suis payée : les résultats ne tombent pas avec la pluie, comme on dit chez nous ! » 

Donner envie aux Algériennes et aux Algériens de pratiquer le sport 

D’ailleurs, pour le moment, Decathlon Algérie connaît un franc succès. Et le projet semble avoir encore de beaux jours devant lui avec deux nouvelles ouvertures de magasin prévues à Alger pour cette année 2021. « On veut quadriller la ville ». « Notre but, c’est de mettre les Algériens au sport. Ils sont de plus en plus nombreux à pratiquer une activité physique et Decathlon veut accompagner ce démarrage en mettant à leur disposition des produits variés et qualitatifs, à des prix abordables. » Pour tout ce qui est textile, l’Algérie était déjà bien lotie. En revanche, l’entreprise française a apporté au pays, avec ses rayons techniques et spécifiques, des produits aimés et recherchés par la population locale, notamment le matériel de randonnée – qui est souvent très cher en Algérie – et des accessoires de sport en tout genre. « La chaussure marche aussi super bien. » 

Mais au-delà de l’aspect financier, Yasma et ses équipes souhaitent réellement s’investir dans le pays. Elles vont prochainement organiser des événements sportifs à destination des Algériennes et des Algériens ainsi que des collectes de déchets, le tout dans une optique de sport-santé et de ville propre. « Il s’agit de montrer que Decathlon n’est pas seulement la boîte qui vient s’installer et faire du profit en Algérie, mais qu’elle veut vraiment s’intégrer dans le tissu socio-économique et laisser une empreinte positive sur son passage. » Le sport oui, mais pas à n’importe quel prix. 

Une semaine avec Yasma Desreumaux. Un quotidien « à fond la forme »

Decathlon Algérie a ses bureaux accolés au premier magasin ouvert dans le pays en juin 2019, dans le Centre commercial Bab Ezzouar à Alger. Yasma s’y rend tous les jours et y travaille aux côtés de ses équipes de cadres. Elle tente d’organiser au mieux son quotidien en consignant toutes ses tâches journalières dans un bloc-notes à petits-carreaux (spécificité non négociable puisqu’elle nous avoue volontiers – et non sans humour ! – être « fétichiste » des petits-carreaux). 

Malgré quelques imprévus inhérents à la vie des affaires mais aussi aux coutumes d’un pays « où les choses peuvent bouger d’une minute à l’autre », le quotidien de Yasma suit (plus ou moins) le calendrier suivant : 

● Le lundi matin
C’est réunion hebdomadaire avec tous les leaders de l’entreprise (les responsables de magasins, les chefs logistique, financier, pole e-commerce…). Il s’agit alors de débriefer les chiffres, de voir ce qui va ou ne va pas et prendre les décisions qui s’imposent le cas échéant. « On ne traite pas plus de deux ou trois sujets par réunion et, surtout, on n’y passe pas plus d’une heure. On va à l’essentiel. Tout le monde repart avec sa liste de courses pour la semaine. » 

● Tous les jours
Elle travaille en étroite collaboration avec le « DAF » (directeur administratif et financier) qui est son véritable « bras droit ». Ensemble, ils s’occupent de la partie invisible du projet (le travail de l’ombre). 

● Tous les jours (ponctuellement)
Elle résout certaines problématiques importantes dans les différents secteurs de l’entreprise, au cas par cas (valider l’offre ou encore donner son accord pour les plans de masse d’un magasin). « Chacun m’invite suivant les disponibilités de mon agenda »

● Tous les mois / toutes les six semaines
Elle fait des entretiens individuels avec ses équipes, notamment les cadres, pour parler plaisirs/déplaisirs, objectifs, priorités… 

● Une fois par mois
Elle se rend dans le magasin d’Oran pour manager les équipes sur place. Elle s’organise une réunion avec le responsable expansion pour discuter de ses projets et étudier ses propositions. 

● A chaque fois qu’elle le peut
Elle entretient son réseau professionnel local autour de déjeuners pour se tenir informée de ce qu’il se passe dans le pays d’un point de vue politique et économique. « Cela fait partie du job d’un directeur d’alimenter son network »

● Tous les jours
Elle se réserve une activité personnelle comme appeler un proche ou faire du sport. Passionnée d’activités physiques en tout genre, Yasma s’exerce tous les jours dans sa salle personnelle, chez elle, ou dans la salle de sport du bureau, disponible pour tous les employés. 

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