PAR DAVID TOMASZEK, AVEC L’AIDE DES ÉQUIPES DU COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE (REMERCIEMENTS À VICTORIA SLACK ET STEVE WILSON). Extrait du WOMEN SPORTS AFRICA N°11.

À seulement 9 ans, devant l’écran de télévision de sa maison à Harare, Kirsty Coventry découvre les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Fascinée par les images du centre aquatique avec la ville catalane en toile de fond, elle prend une décision qui changera le cours de sa vie. « Les Jeux m’ont complètement captivée. Je me rappelle avoir dit à mes parents que je voulais participer aux Jeux Olympiques et gagner une médaille d’or pour le Zimbabwe. Ils ont souri et m’ont juste dit : ‘Très bien, alors tu vas devoir travailler dur et faire des sacrifices.’ »
Plus de trois décennies plus tard, cette petite fille devenue icône sportive entre à son tour dans l’histoire. Le 20 mars 2025, lors de la 144e Session du Comité International Olympique (CIO) à Costa Navarino, en Grèce, Kirsty Coventry est élue présidente de l’organisation. À 41 ans, elle devient la première femme, mais aussi la première Africaine à occuper ce poste depuis la création du CIO en 1894.
« C’est un moment extraordinaire », déclare-t-elle émue, à l’issue du scrutin annoncé par le président sortant Thomas Bach. « La petite fille de 9 ans que j’étais n’aurait jamais pensé qu’un jour elle se tiendrait debout devant vous et qu’elle pourrait donner en retour à cet incroyable Mouvement qui est le nôtre. » L’ancienne nageuse a été élue dès le premier tour, rassemblant 49 voix sur 97, battant six autres candidats. « C’est un signe très fort qui montre que notre Mouvement est véritablement universel et que l’organisation a su s’ouvrir à la diversité », souligne-t-elle.
Un parcours d’exception, de Harare aux sommets du sport mondial
Née le 16 septembre 1983 dans la capitale zimbabwéenne, Kirsty Coventry apprend à nager dès l’âge de 2 ans, initiée par sa mère et son grand-père. À 6 ans, elle rejoint son premier club de natation. Faute de piscines couvertes au Zimbabwe, elle diversifie les activités sportives durant l’hiver : hockey sur gazon, course de fond, tennis. Mais son cœur reste dans l’eau.
« La natation était mon havre de paix. J’étais une bonne élève, mais pas une élève brillante. C’est grâce à la natation que j’ai découvert qui j’étais vraiment. »
Une blessure au hockey à 14 ans lui fait abandonner les terrains pour se concentrer exclusivement sur la natation. Deux ans plus tard, elle se qualifie pour ses premiers Jeux, à Sydney en 2000. Elle ne monte pas sur le podium, mais devient la première nageuse zimbabwéenne à atteindre une demi-finale olympique. Son souvenir le plus marquant de ces Jeux ne se trouve pourtant pas dans les bassins, mais au village olympique : elle y rencontre Muhammad Ali. « Ce moment m’a fait l’effet d’une révélation », confie-t-elle.
En 2004, elle s’impose sur la scène internationale à Athènes avec trois médailles, dont l’or sur 200 mètres dos – la première médaille d’or olympique individuelle pour le Zimbabwe. « Monter sur le podium a été une expérience assez surréaliste. Je me tenais là, me rappelant mes 9 ans, et je me disais qu’aujourd’hui, j’accomplissais ce rêve. »
Un carrière exceptionnelle, un engagement inébranlable
Accueillie en héroïne à son retour au Zimbabwe, Kirsty Coventry comprend alors la portée sociale du sport. « Les Zimbabwéens m’ont remerciée et m’ont dit : ‘Nous sommes tellement fiers : j’ai mesuré à cet instant la puissance que les athlètes peuvent avoir à faire tomber les barrières et rapprocher les populations. » À Pékin en 2008, elle confirme son statut en remportant quatre
nouvelles médailles – une d’or et trois d’argent. Elle participera encore aux Jeux de Londres 2012 et de Rio 2016, portant son total à sept médailles olympiques, un record continental. Si ses exploits sportifs sont facilités par une bourse de la Solidarité Olympique, son parcours académique l’est également : elle obtient une bourse d’études fournie par l’Université d’Auburn, en Alabama. Elle y remporte trois championnats NCAA avec les Tigers, avant d’être diplômée en gestion hôtelière. « Étudier à Auburn a joué un rôle majeur dans ma carrière, car l’équilibre entre études et sport a été un pilier de mon développement. »
En 2018, elle est nommée ministre des Sports et de la Jeunesse du Zimbabwe, un poste qu’elle occupera jusqu’en 2023. Elle y impulse des réformes pour développer le sport féminin et l’accès à la pratique pour les jeunes. « Le sport a le pouvoir de changer des vies. »
Aujourd’hui, à la tête du CIO, elle entend poursuivre cette mission à l’échelle mondiale. « Je veux que chaque enfant, peu importe où il naît, ait la chance de rêver grand grâce au sport. »
Du bassin à l’arène politique du sport
Élue à la commission des athlètes du CIO en 2013, Kirsty Coventry intègre l’instance olympique, qu’elle ne quittera plus. Elle en préside la commission des athlètes, siège à la commission exécutive à plusieurs reprises, et devient membre indépendant du CIO en 2021. Parallèlement, elle s’engage dans son pays. En 2018, elle est nommée ministre de la Jeunesse, des Sports, des Arts et des Loisirs au Zimbabwe. Elle y fait adopter des lois contre les arrangements de matchs, les abus et le harcèlement sexuel dans le sport.
Elle fonde également la Kirsty Coventry Academy pour enseigner la natation aux enfants, et lance avec son mari Tyrone Seward le programme HEROES, destiné à offrir un accès sécurisé au sport aux 6-13 ans. « Le pouvoir de transformation du sport va bien au-delà des mots, je l’ai vu et vécu. Et j’y crois. »
Une présidence sous le signe de l’unité et de l’exemplarité
Sa vision pour le CIO s’appuie sur les valeurs qui ont forgé son parcours : inclusion, détermination, transformation. « À une époque où notre monde est autant divisé, le Mouvement olympique peut aider à combler les inégalités, à rétablir la confiance et à montrer le meilleur de l’humanité. » Également mère de deux filles, Kirsty Coventry parvient à concilier vie familiale et responsabilités de haut niveau. Sa cadette est née en 2024, en pleine campagne présidentielle. « La plus jeune de mes filles s’est parfaitement adaptée. Elle m’accompagne dans mes déplacements depuis qu’elle a 1 mois. Passer du temps auprès de mon mari et de mes filles est ce qui m’aide à me ressourcer. »
Le jour de son élection, sa fille aînée de 5 ans court vers elle, rayonnante : « Ma fille est arrivée en courant et m’a dit : ‘Maman, tu as gagné !’ Une victoire personnelle, familiale et historique. » « Je veux que mes filles grandissent en sachant qu’elles peuvent être qui elles veulent et faire tout ce qu’elles veulent. » Un message universel. À l’image de celle qui incarne désormais l’avenir du Mouvement olympique.





















