Cuisine ivoirienne : lutter contre les idées reçues

« Non, la cuisine ivoirienne n’est pas plus riche ! » Sa cuisine est résolument ivoirienne, elle qui a la chance de travailler sur une terre au climat équatorial humide qui donne de « magnifiques produits locaux, gorgés de soleil ». Elle est le visage de la gastronomie ivoirienne et n’a de cesse de sublimer les produits locaux à Abidjan. La cheffe Prisca Gilbert nous explique comment se servir de bons produits de base que nous livre la terre pour manger sainement. Prisca sort de ses fourneaux pour transmettre, sur les plateaux TV, à l’antenne, dans les pages d’un livre… pour une cuisine 360°. Immersion.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS AFRICA N°5 juillet 2022

Une vie tracée  autour de cuisines

Productrice de contenus culinaires en radio, à la TV, sur les réseaux sociaux, précédemment executive chef du restaurant L’Eléphant d’Or Casino Barrière à Abidjan, où elle était la première femme chef à ce poste, Prisca a dû se faire une place dans un monde où l’on attendait davantage un homme aux ordres. Au départ, la jeune femme a lancé son restaurant en autodidacte, avant de partir en formation en Europe. En revenant, elle a dû expliquer ses influences et ses choix culinaires. Elle ferme  son restaurant pour vivre sa passion différemment. Elle devient cheffe itinérante, consultante culinaire. et se lance dans la conception de capsules culinaires audiovisuelles, la formation l’écriture d’un livre de cuisine

Une cuisine artistique

Passionnée d’art, Prisca travaille avec les producteurs une matière première riche qu’elle transforme. « Ce n’est pas juste du goût, ça se passe aussi dans l’assiette, avec un équilibre des cou­leurs, des saveurs. C’est beaucoup d’émotion. L’assiette raconte notre his­toire, notre culture. La gastronomie est un processus artistique. »

Une cuisine familiale

C’est sa grand-mère qui lui a offert ses premières marmites en fonte. Elle avait 7 ans. Ses souvenirs de jeunesse se retrouvent à arpenter les marchés avec sa mamie, à choisir les bons légumes, à échanger avec les producteurs. Et aussi le temps passé en cuisine. « Je repro­duisais ses gestes, à côté d’elle. Il n’y avait pas le souci que je me brûle ou me coupe. On cuisinait ensemble. »

Une cuisine culturelle : « Mettre la Côte d’Ivoire dans l’assiette »

Prisca perçoit le métier de cuisinière avec une vraie mission, celle de partager ce qu’elle a appris sur cette belle cuisine. « Je n’ai jamais oublié mon identité. Quand je suis partie en formation en France, j’avais déjà ma brigade et mon restaurant ». Son processus est clair : la cheffe part d’un produit, la banane plantain par exemple, qu’elle découpe, saute, fait griller, et de ça, elle crée une recette.

Une cuisine engagée

On perçoit souvent la cuisine africaine, et a fortiori la cuisine ivoirienne, comme trop grasse, trop pimentée, trop épicée, mais c’est oublier les bases fondamentales. Notre cuisine, c’est une cuisine locavore, faite de produits frais, avec peu de surge­lé. Le gras, c’est le gras de la viande et des poissons qu’on utilise. On ne mange pas gras tous les jours, mais notre cuisine est généreuse. L’huile de palme, critiquée par­tout ailleurs, est utilisée brute et non raffi­née pour donner du goût.

Une cuisine de l’échange

« Avec la mondialisation, on a découvert d’autres cultures et leur cuisine, on s’est tourné vers le fast food, mais on a aussi oublié ce qui a construit notre enfance. Les jeunes chefs réussissent des sauces bolognaises et des béchamels, mais pas des sauces à l’arachide ! Aujourd’hui, avec le digital, on a toutes les clés pour faire parler de nous à l’extérieur, pour un partage équitable. On en apprend des autres mais nous aussi avons à donner. »

Une cuisine revisitée

Notre cuisine, ce sont des produits en sauce, en plat unique. L’idée de sa cuisine est d’utiliser ces produits d’origine et d’en faire une nouvelle assiette sans perdre le goût du terroir. Plutôt que de proposer un plat en sauce, Prisca part sur une julienne, une salade, une tarte, une marinade… « une cuisine pluridimensionnelle qui mélange toutes les expériences culinaires que j’ai pu faire ici, ma base traditionnelle, et ailleurs lors de mes formations ».

Une cuisine du voyage

Ses assiettes sont le reflet d’influences diverses, dont les racines se puisent en Côte d’Ivoire. Sénégal, Togo, Ghana… La cheffe a eu la chance de voyager un peu partout en Afrique. « A chaque voyage, j’en apprends un peu plus sur les cui­sines locales, les techniques. »

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