Sport, Genre et Développement en Afrique : restitution de l’étude, le Best Of

Les grandes conclusions de l’étude Sport et Genre menée en Afrique pendant 11 mois sous l’égide de l’AFD ont été présentées ce vendredi 8 octobre 2021 au Nouveau Sommet Afrique-France.

Alors que les travaux liant les thématiques femmes et sport se multiplient notamment en Europe et en Amérique du Nord, très peu d’études pluridisciplinaires se sont penchées sur la pratique du sport des femmes et des filles en Afrique. Face à cette lacune, une recherche multidimensionnelle, analysant les freins socioculturels, économiques et institutionnels à la pratique sportive des femmes et des filles et les difficultés spécifiques qu’elles peuvent rencontrer dans cette pratique, et ce dans différents contextes apparait indispensable. La participation des femmes et des filles aux projets, programmes et politiques sectorielles dans le secteur du sport est également insuffisante pour faire entendre pleinement leur voix et prendre en compte les attentes et besoins spécifiques. Dans ce contexte, l’AFD a confié fin 2020 à PWC, en partenariat avec l’IRIS et Women Sports Africa, une étude innovante : Sport, Genre et Développement en Afrique. Un travail profond de 11 mois sur le terrain, co-construit avec une kyrielle d’experts internationaux pour réaliser un diagnostic inédit dans 5 pays d’Afrique (Afrique du Sud, Egypte, Kenya, Maroc, Sénégal) sur la pratique sportive des femmes, en particulier des jeunes filles. Objectif : définir une stratégie et dégager des pistes opérationnelles pour renforcer la participation des femmes aux activités sportives. Les principales conclusions de cette étude ont été présentées au Nouveau Sommet Afrique-France. Voici les principaux extraits des interventions.

Bruno Lalande (Women Sports) : « Le Nouveau Sommet Afrique-France donne la parole et met à l’honneur les acteurs qui font vivre au quotidien et qui contribuent à construire un avenir commun entre l’Afrique et la France, pour répondre aux grands défis d’aujourd’hui et de demain. Le genre et le sport en est un : l’ODD 5. Emmanuel Macron, Président de la République française, veut être à l’écoute des acteurs du changement, et en particulier de la jeunesse, pour formuler des réponses / actions aux interrogations légitimes des jeunes générations et créer un nouvel espace de dialogue exigeant, sans complaisance et tourné vers l’avenir. Notre étude inédite, commandité par l’AFD et réalisé par PWC en partenariat avec l’IRIS et Women Sports Africa, a été conçue pour faire un diagnostic tout en identifiant les pistes pour l’avenir. Elle s’inscrit dans cette démarche initiée par le Président de la République pour réussir le changement avec la nouvelle génération pour le genre et avec le sport ! »


Samra Bouabsa (AFD) : « Cette étude est à la croisée de deux ambitions grandissantes pour l’AFD : la lutte en faveur de l’égalité femmes-hommes et l’émancipation des femmes d’une part ; l’utilisation du sport comme levier de développement durable d’autre part. En effet, lorsqu’on parle de pratique sportive des femmes ou place des femmes dans le sport, on touche de manière beaucoup plus large au droit fondamental des femmes à disposer de leur corps. On sait également que la pratique d’un sport et d’une activité physique apporte de nombreux bénéfices au niveau individuel (en termes de santé, de développement d’une forme de résilience et de la confiance en soi) et ; au niveau sociétal en termes de cohésion sociale et développement économique par exemple. Cependant, les femmes ont encore moins facilement accès à la pratique d’un sport, ce qui crée une injustice envers les femmes, mais également un manque à gagner pour les de villes, pays ou régions. L’un des axes forts de la stratégie Sport&Dév de l’AFD est donc la promotion du sport pour tous et notamment de l’accès des femmes à une pratique sportive. A travers cette étude, centrée sur 5 pays représentatifs de la diversité du continent Africain, l’AFD souhaite faire un état des lieux de la pratique sportive des femmes et des inégalités à l’œuvre dans le secteur du sport. Cette étude, en mettant la lumière sur les freins et barrières auxquelles les femmes font face dans la poursuite d’une activité sportive, ou l’accès au monde du sport, permettra à l’AFD d’orienter ses financements vers des programmes et projets pertinents, innovants et à fort impact. »


Mickaelle Chauvin (PwC) : « Nos travaux ont commencé fin 2020, en mobilisant une équipe pluridisciplinaire comprenant des experts locaux. Sur le terrain, on a mené des dizaines d’entretien et remonter de nombreuses données, en plus d’un travail de recherche plus académique. Au Sénégal, au Maroc, au Kenya, depuis le mois de juin, nous allons sur place pour rencontrer chez eux les parties prenantes du sport, approfondir les recommandations et maintenir la dynamique. Rapidement, on a constaté que les discriminations et inégalités de sexe dans le secteur sportif sont une réalité générale. On rencontre les mêmes problématiques partout, sur l’ensemble des pays, en Afrique mais également chez nous en Europe. Reste des différences de gradation, où en est le curseur et surtout, les jeux d’acteurs locaux et les réponses à apporter qui doivent correspondre à la réalité de chaque pays. La charge familiale par exemple, très concrètement, le fait de s’occuper des enfants, est une contrainte à la pratique sportive dans le monde entier. Cette contrainte est plus forte quand les enfants sont nombreux, et qu’il n’existe pas de dispositif de prise en charge. […] Les enjeux d’égalité sont aussi des problématiques de gouvernance. La présence et la participation des femmes à la gouvernance du secteur est nécessaire à la prise en compte des inégalités et à la lutte contre les discriminations. La faible féminisation de l’encadrement sportif, technique et administratif, reste un frein au développement d’une pratique massive. La cooptation, les réunions tardives, les jeux d’influence, autant de pratiques informelles qui maintiennent cette tendance mais qui peuvent être combattues. Des mécanismes incitatifs ou contraignants se développement pour accompagner les acteurs dans ces transformations. Au Kenya, en accord avec la Constitution, la législation impose un quota de 30% de femmes pour l’élection et la composition des comités et commissions des fédérations sportives. L’application elle tarde un peu à se généraliser. »


Jean-Roland Djedji (PwC) : « Comme on pouvait s’y attendre, une des principales difficultés pour le secteur est le manque de données quantitatives, pourtant nécessaires pour développer des politiques et programmes efficaces. Quand ces données existent, elles sont insuffisamment exploitées et diffusées, mais cette tendance commence à changer. Par exemple, le département des Sports du ministère de la Culture de la Jeunesse et des Sports au Maroc commence ainsi à consolider les données des différentes fédérations royales, encouragé dans cette démarche par la mise en place de la Budgétisation Sensible au Genre. Cette étude nous a aussi permis de découvrir et valoriser les nombreuses initiatives locales qui émergent et facilitent la pratique sportive des femmes et des filles. Portées par la société civile, le secteur privé mais également par des sportives et sportifs de haut niveau, ces initiatives en faveur de la pratique sportive des femmes révèlent la prise de conscience d’une partie de la population et de certains acteurs de la filière sport des enjeux d’égalité de genre. A titre d’exemple, nous pouvons citer les initiatives de l’association Ladies’ Turn créée par des sportives sénégalaises comme Seyni Seck (Ancienne capitaine de l’équipe nationale) au Sénégal qui utilise le football comme un moyen de promotion de l’égalité des sexes à travers des tournois de football féminin dans les quartiers. Nous pouvons également citer l’initiative « Girl Power » en Egypte qui œuvre pour l’autonomisation des jeunes filles (9 – 14 ans) à travers le sport. »


Carole Gomez (IRIS) : « Les femmes et les filles ne doivent pas être considérées comme une catégorie homogène, et selon les contextes et les réalités culturelles de chaque pays, d’autres critères vont fortement influencer la pratique sportive des femmes et des filles et les discriminations dont elles vont faire l’objet. Ces déterminants, qui peuvent être socio-économiques, ethniques, religieux, raciaux, liés à l’âge, à la situation familiale, etc. dessinent une réalité beaucoup plus nuancée et contrastée qu’on ne pourrait l’imaginer. Si des recherches ont pu confirmer une pratique moindre des étudiantes musulmanes au Kenya (tout en proposant des mécanismes efficaces pour limiter cette tendance), au Maroc, ce sont les différences socio-économiques qui impactent le plus. […] Les violences contre les femmes et les filles dans le secteur du sport, qu’elles soient verbales, psychologiques, sexuelles ou physiques, restent un sujet tabou, difficiles à aborder et cette tendance évolue beaucoup trop lentement, même si certains acteurs se mobilisent. En Afrique du Sud, par exemple, des associations, comme Grassroot Soccer, mettent en œuvre des safe spaces. Il existe également de similaires safe spaces en Egypte avec le programme « Girl Power ». Au Kenya, signalons par exemple que des campagnes de sensibilisation contre le mariage forcé et l’excision sont diffusés à l’occasion de matchs de cricket. Au Maroc, un dispositif législatif pour lutter contre les violences faites aux femmes a été adopté en 2018. »

Les débats se sont conclus avec les mots inspirants de trois role-models :

Maureen Rosita (à gauche) a présenté les grandes lignes du SEED Project, un programme qui promeut l’accès aux opportunités d’éducation et de leadership pour les jeunes, en particulier les jeunes filles en Afrique.

Géraldine Robert (au centre) a présenté les actions de son association Yemali qui oeuvre pour la pratique sportive des jeunes filles au Gabon.

Diandra Tchatchouang (à droite) a notamment son amour pour le pays des parents, le Cameroun, et évoqué l’initiative Take Your Shot (« Tente ta chance »), un événement pour promouvoir le sport féminin dans les banlieues françaises.

Découvrez pour finir ce superbe film inspirant « You are enough, produit par ONU Femmes » :

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