Asantii, l’ambition de créer un écosystème de la mode en Afrique

Une nouvelle marque inspirée, conçue et fabriquée en Afrique, a pointé le bout de son nez l’été dernier. La toute première collection Asantii est née courant 2022 sur le continent africain et a fait grand bruit depuis lors, par-delà les frontières. Une marque sourcée et fabriquée à travers le continent. Zoom sur la première grande marque « panafricaine ».
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS AFRICA N°6 janvier-juin 2023

Les opportunités écono­miques dans l’industrie textile africaine existent mais restent empêchées. En cause notamment les importations massives de vêtements de seconde main dont la qualité parfois médiocre pousse aux déchets.

Sous-valorisation des artisanats afri­cains, chômage élevé chez les jeunes… Il était encore trop rare de voir le conti­nent africain au-devant de la scène mondiale de la mode. Voilà chose faite avec Asantii. On doit cette initiative à la Rwandaise Maryse Mbonyumutwa. Ins­tallée en Belgique depuis 1994, la diri­geante de 48 ans a beaucoup travaillé avec la Chine, en tant qu’intermédiaire entre fabricants et grandes marques de distribution. Elle emploie aujourd’hui plus de 4 000 personnes, à 80 % des femmes, dans son usine rwandaise. Ce n’est pas pour rien que ce nom a été choisi : Asantii signifie merci en swahili, et est porté par un slogan fort : « Fierté • Sagesse • Gratitude ».

Industrialiser la mode sans la dénaturer

Une nouveauté pour le Rwanda, portée par une importante infrastructure de production, étalée sur 8 000 m2 ! Kigali accueille donc depuis 2019 sa première usine de confection textile du pays, en zone industrielle en lisière de l’aéro­port. Une deuxième boutique a ouvert à Londres, suivie en fin d’année der­nière par l’Afrique du Sud. Et la marque compte répliquer la structure en Tanza­nie courant 2023 ! Deux autres bases et leur atelier devraient être inaugurés en Afrique de l’Ouest et australe. Mais l’ambition est internationale, grâce à un e-shop à la logistique bien pensée. En produisant dans sa propre infrastruc­ture, Asantii s’évite les quota minimum et les risques de gaspillage.

Asantii ne compte pas tomber dans le piège de la fast fashion. Avec ses deux collections annuelles, la dirigeante bel­go-rwandaise ne veut pas répondre au chant des sirènes et travaille sans pres­sion saisonnière, comme elle l’a expliqué dans un communiqué : « On prend le che­min contraire à celui de la fast fashion, on veut pouvoir vendre nos vêtements à tout moment de l’année ». En intervenant de l’usine au consommateur, c’est aussi l’assurance d’un contrôle total sur toute la chaîne et des prix équitables.

La promotion de la création africaine

En ressort une marque contemporaine qui célèbre l’artisanat africain, via des matières et des modes de fabrication durables. La première capsule sortie l’été dernier, Zaliwa (qui veut dire nais­sance en swahili) s’inspire des paysages rwandais, dans des tons abricot, indigo et vert forêt, en reprenant les tech­niques traditionnelles de teinture tie & dye et du batik. On retient notamment l’imprimé phare : le symbole ghanéen de Dieu veille sur vous (comme sur la chemise ci-dessous).

Ces idées ne seraient rien sans le concours de 14 conquistadors fashion, des jeunes pousses sénégalaises, maro­caines, angolaises, ivoiriennes, congo­laises, ghanéennes, nigériennes, éthio­piennes, kenyanes, rwandaises bien sûr, tanzaniennes et sud-africaines. Admettez que le cocktail présumait déjà un résultat relevé à la sauce new age ! Exit le wax et autres tissus ethniques at­tendus. Place aux tissés à partir de coton égyptien, au raphia tissé de Madagascar, au Faso dan Fani du Burkina Faso… du monochrome mais aussi des imprimés et des broderies ou des perles. Pour les coupes, les robes portefeuilles cohabitent avec des trenchs et blazers oversize et des pantalons larges.

La démarche de Maryse Mbonyumutwa au fond dans tout ça ? « Soutenir les créateurs africains et encourager les artistes et arti­sans locaux », comme elle l’explique dans un communiqué. Parmi les forces vives que la fondatrice d’Asantii aime mettre en avant, il y a l’entreprise sociale Cabes (Commerce et artisanat pour le bien-être social), groupement d’intérêt économique basé à Ouagadougou au Burkina Faso, pour le tissage du Faso à Nozala, deux coo­pératives rurales d’Afrique du Sud pour le perlage et la bijouterie, ou encore l’atelier de broderie Ibaba à Rutongo au Rwanda.

Le made in Africa sera global, responsable et durable, ou ne sera pas !

Côté engagement, Asantii est mobilisé sur bien des fronts. Sa créatrice a mis sur pied le label RSE Pink Ubuntu pour améliorer les conditions de vie de ses employées : des femmes, souvent filles-mères, qui bénéficieront d’une protection sociale et d’avantages, de l’infirmerie gratuite à la prise en charge des repas en passant par des soins hygiéniques et la mise à disposi­tion d’une crèche.

Quant à la partie création, à la manière d’un incubateur mode, la cheffe d’entre­prise rwandaise met son usine à disposi­tion de son collectif de créateurs pour leur propre marque. Un modèle collaboratif où chacun développe son univers pour mettre en commun des idées en ébullition qui repenseront la mode made in Africa de demain. De quoi fidéliser les jeunes ta­lents. Et Maryse Mbonyumutwa a de quoi conclure en applaudissant : « Collective­ment, c’est l’Afrique qui gagne ! »

asantii.com

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