De l’arbre à la tasse… à la reconquête du café ivoirien !

Il augmente la capacité de contraction des muscles, offre une meilleure attention, favorise la digestion… Cette boisson énergisante obtenue à partir de graines torréfiées de caféier est connue du monde entier. Si l’Afrique n’est pas réputée parmi le Top 3 des producteurs de café, le continent reste une référence à travailler, notamment en Côte d’Ivoire. Éclairage et témoignage de Maria Dion-Gokan, caféologue ivoirienne.
Par Léa Borie
Extrait du magazine WOMEN SPORTS AFRICA N°6 janvier-juin 2023

La Côte d’Ivoire est le 4e plus gros producteur afri­cain de café. À l’échelle planétaire, elle est pas­sée au 15e rang de la pro­duction, après avoir occupé la 3e place dans les années 60, époque où le pays était 1er exportateur mondial de café robusta. Mais depuis 10 ans, conscient de ses richesses, le pays se remobi­lise dans la caféiculture, aidé par un programme de relance gouvernemen­tal en 2013. C’est dans ce contexte qu’est entrée dans la course Maria Dion-Gokan et son « Rituel Café ».

Un café « Made in Côte d’Ivoire »

Venue en France pour ses études, la jeune femme cherchait de quoi mettre en valeur la Côte d’Ivoire à travers un challenge commercial. Lors d’un salon, elle s’est surprise à trouver les stands de torréfacteurs, importateurs, planteurs, coopératives, dénués de représentation africaine.

« Ce sont pourtant les 1ers acteurs de la chaîne de valeur !, s’insurge la fondatrice de Rituel Café. Au salon de l’agriculture, on aura les éleveurs, au salon du vin les viticulteurs ! » Convaincue de de devoir réparer cette injustice, Maria Dion-Gokan se lance en 2018. Un sec­teur très concurrentiel s’ouvrait alors à elle, mais la cheffe d’entreprise a tenu à marquer sa particularité.

Rituel Café, une marque pour redorer le blason de la Côte d’Ivoire

La marque Rituel Café entend rendre hommage au café africain à travers une fabrication éthique et engagée. Pour permettre à chacun de cultiver son goût pour le café, ou se réconcilier avec, la fondatrice a imaginé une large gamme autour du caféier…

« Consommer le café comme il se doit », Maria Dion-Gokan

Quels bienfaits du café défendez-vous ?

C’est un sti­mulant qui donne de l’énergie sans ex­citer, ce qui aide à la concentration et évite les somnolences. Les sportifs le re­cherchent pour son effet coup de fouet. Pour autant, il ne faut pas en abuser au-delà de 4 tasses par jour.

Que dites-vous aux personnes qui le trouvent trop sucré ?

Le café contient naturellement de la sucrosité. Un bon café bien choisi et bien torréfié peut être bu sans sucre. A contrario, le chocolat sera beaucoup plus amer.

Entendez-vous d’autres idées reçues sur le café ?

On entend souvent qu’un café doit être noir. Mais c’est souvent pour masquer les défauts. Lorsqu’il est trop noir, il a brûlé. Il aura beaucoup d’amertume et perdra en onctuosité. On pense aussi fréquemment que, par son effet énergi­sant, c’est une drogue. Et on s’imagine qu’il a un goût unique alors qu’il a un complexe aromatique très développé, bien plus que le vin et le cacao, renfer­mant à lui seul 800 à 1200 arômes !

Comment le café est-il considéré en Côte d’Ivoire ?

On est persuadé que c’est une boisson pour les Européens et c’est fort dom­mage ! J’apprends à mes compatriotes à connaître le café et à le déguster car c’est une chance de pouvoir le cultiver ! Bien souvent, il faut dire que les Ivoiriens n’ont connu que le café soluble. Mais doucement, ils découvrent d’autres ca­fés. Pour encourager ça, en tant que consultante, j’accompagne toutes les personnes qui veulent se lancer dans le café sous une forme ou sous une autre – planteurs, cultivateurs…

Quel est votre rapport à la filière café ivoirienne ?

Je la porte haut. Sur mes sacs de café, je donne le nom du village sur lequel il a été ramassé. La dernière produc­tion annuelle du pays n’atteignait pas les 100 000 tonnes. Le prix du café a baissé, contrairement au cacao, les planteurs sont découragés, la qualité n’est plus au rendez-vous. Pour les re­motiver, je leur démontre qu’on ne doit pas se focaliser sur le noyau. Il y a tant de sous-produits du caféier – fleurs, feuilles, marc de café, et même casca­ra (coquille en espagnol, ndlr), pulpe séchée de cerise de café à infuser, etc.

Quelles sont vos innovations produits ?

Savon noir, confiture, sirop, farine de café… Je propose aussi du miel de fleur de café, de la cire, de la propolis. Pour ça, grâce à un apiculteur, j’ai fait implanter 30 ruches dans l’Ouest au milieu de plantations. C’est une denrée rare car le café ne fait généralement qu’une floraison par an. Frustrée des déchets post-torréfaction, je fais aus­si des cosmétiques, à partir du café. L’avantage, c’est que personne ne dis­cute ces prix en bourse ! Ma mère étant dermatologue, c’est une branche qu’on va pouvoir développer. En phase de dé­veloppement/stabilisation, grâce à la participation de l’Institut national d’hy­giène publique (INHP), il y a aussi ma boisson fermentée sans alcool à base de cascara.

Quel est votre souhait pour le café ivoirien ?

Qu’il entre sur le marché du gourmet ! C’est pourquoi je travaille avec le Centre national de recherche agronomique (CNRA). Aussi, j’accompagne de près les coopératives afin de pouvoir tracer et améliorer le café. Mon cahier des charges étant plus exigeant, j’achète le café plus cher que le prix fixé par le gou­vernement. Mon but ultime étant que cette variété ivoirienne s’impose sur le marché mondial. Partenaire de la direc­tion des loisirs du ministère du Tourisme de Côte d’Ivoire, j’ai aussi créé un jeu de société pour que la relève soit assurée afin d’éduquer les fils de planteurs !

rituelcafe.com

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